La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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L’ÉCRITURE DES NOUVELLES RADIOPHONIQUES
Plus ample est une phrase, plus faible est la proportion de mots de cette phrase
aussitôt retenue. Au-delà d’une certaine longueur, l’auditeur a du mal à raccorder, du
point de vue du sens, la fin d’une phrase à son début. D’où une sensation pénible et,
cette sensation se répétant, une chute progressive de l’intérêt 23 .
À cela s’ajoutent les contraintes de l’oral et donc du rythme de la respiration.
La phrase radiophonique évitera donc les subordonnées superflues, les périphrases
– pourquoi dire longuement ce que l’on peut résumer en un mot ou une
formule concise ? –, les mots complexes, l’accumulation d’adverbes, les incises et
les parenthèses souvent peu audibles, les expressions inutilement ou doublement
négatives, les inversions – qui présentent les circonstances avant l’acteur et l’action
–, les formules passives – qui rendent elles aussi malaisée la reconnaissance
rapide des rôles respectifs des termes énoncés –, les temps verbaux surcomposés
ou peu usités à l’oral 24 …
Bardés de tous ces interdits, il reste maintenant aux nouvellistes à faire de la
littérature…
UN PRODUIT RADIOPHONIQUE
Lorsque l’on examine les nouvelles primées lors du dernier concours «␣ Polar␣ »
– cet examen, peut-être faut-il le faire d’abord à l’oreille, comme auditeur, avant
de lire sur le papier ces textes qui n’ont pas été destinés à un tel mode de réception
–, on perçoit combien les récompenses, et la possibilité de diffusion qui en
découle, ont été accordées à des nouvelles s’accommodant largement de ces impératifs
radiophoniques. Même si, à entendre les auteurs, cette concordance relève
partiellement du hasard ou de leur inconscient. Est-ce cependant un hasard
s’il s’avère que le premier lauréat a lui-même une formation de réalisation théâtrale
et radiophonique ?
Il n’empêche que l’on rencontre toujours dans ces nouvelles, fussent-elles primées,
une série de traits irréductiblement littéraires qui semblent résister ainsi à
la moulinette radiophonique. En matière de construction d’abord et essentiellement.
Alors que l’amorce d’un texte journalistique contient nécessairement l’essentiel
de l’information qui sera développée par la suite (les éléments minimaux
de réponse aux questions basiques que sont les qui ? où ? quand ? comment ? et
pourquoi ?), les incipit de ces nouvelles exploitent les filons dilatoire et dramatique
proscrits en pareil endroit de la nouvelle d’information. Entre représentation
journalistique et fictionnelle, c’est la structure même du texte qui diffère. Dans
les nouvelles écrites pour le concours «␣ Polar␣ », on retrouve aussi, de ci de là,
plaisir d’auteur, quelques mots étranges ou complexes, quelques temps verbaux
désuets, quelques phrases longues (jusqu’à 16 lignes), inaudibles en finale, pourvu
qu’elles aient d’abord pu être dites par un comédien… Mais tout ceci échappe
rarement aux ciseaux impitoyables de la production, ou de l’acteur lui-même.