La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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LE PERFORMATIF ET LA NOUVELLE
geant ainsi souvent à suivre une linéarité appuyée.
Comme exemple, je propose la décision conclusive suivante qui tombe comme
un arrêt sur le dos d’un personnage et du lecteur potentiel :
On annula son billet de retour.
Ainsi se présente la chute en guillotine du «␣ Renvoi de Hoper␣ » dans Ce qui
nous tient, à propos d’un représentant envoyé à l’étranger par sa société, qui,
parce qu’il n’arrive pas, malgré ses efforts, à conclure l’action pour laquelle il a
été dépêché, se voit sadiquement renvoyé – cela pour illustrer la conclusion de
type exercitif, qui suppose une assertion d’autorité.
3) Les promissifs sont des actes de discours qui engagent le locuteur à une action,
qui impliquent des déclarations d’intentions, comme promettre, garantir,
parier, jurer, contracter ; tout récit ne repose-t-il pas, lui aussi, sur un contrat de
lecture implicite ? La nouvelle suppose d’emblée un engagement générique minimal
de la part de l’auteur face au lecteur, des annonces internes à satisfaction
rapide et souvent l’adoption du point de vue exclusif d’un héros avec lequel le
narrateur se sent solidaire.
Un bon exemple consisterait en un cas de promesse non tenue, comme celui
des «␣ Messagers de l’ascenseur␣ », nouvelle de Ce qui nous tient, où des gens ont eu
la délicate prévenance d’annoncer à leurs voisins, par un message laissé dans
l’ascenseur de leur immeuble, la tenue d’une fête chez eux, en présentant leurs
excuses pour les éventuels dérangements. Or la fête annoncée ne se produit pas,
du moins selon le témoin principal, alors qu’elle se serait réellement produite
selon un autre témoin contradictoire : le récit semble proposer une conclusion
qui ne conclut pas vraiment et qui ne décide de rien – c’est un exemple de type
promissif.
En voici la scène finale, qui montre le témoin troublé vérifiant le lendemain
matin chez les voisins ce qu’il en est de leur fête énigmatique parce que, malgré
l’attention singulière qu’il leur a prêtée, il n’a entendu de toute la nuit aucun des
bruits prévus.
À l’étage fatidique. Devant leur porte entrebâillée. Je sonne.
Rien.
Je resonne.
Toujours rien.
Je pousse la porte en frappant et en criant : «␣ Il y a quelqu’un ?␣ »
Personne.
J’entre. Et c’est alors la stupéfaction !
L’appartement est vide ! Totalement vide !
Personne, même pas un cadavre !
Et ce qui est encore plus déroutant, plus aucun meuble ! Rien !