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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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MADELEINE JEAY 33<br />

situe le contexte, celui d’un dîner dont il nomme les convives ; il indique enfin<br />

qu’il la transcrit pour parvenir au compte <strong>de</strong> cent et achever le livre. Cela ne<br />

l’empêche pas <strong>de</strong> multiplier ensuite les <strong>nouvelle</strong>s jusqu’à cent dix, ce qu’il précise<br />

dans le prologue, écrit bien entendu après coup ! 63<br />

Le matériel rassemblé par Tabourot dans les Apophtegmes 64 ou les Bigarrures<br />

étant <strong>de</strong> nature plus fragmentaire que les <strong>nouvelle</strong>s faisant l’objet <strong>de</strong>s recueils, il<br />

ne faut pas se surprendre du caractère instable <strong>de</strong>s textes que l’auteur a portés à<br />

l’édition. Je ne tiens pas compte, dans cette instabilité, <strong>de</strong>s modifications apportées<br />

<strong>aux</strong> états du texte par <strong>de</strong>s considérations <strong>de</strong> bienséance à la sensibilité ambiante,<br />

lorsque Tabourot supprime ce qui relève du libertinage religieux ou <strong>de</strong> la<br />

scatologie. Je concentre mon intérêt sur les adjonctions à cause <strong>de</strong> ce qu’elles<br />

signifient quant à la tria<strong>de</strong> texte, auteur et <strong>de</strong>stinataire. Les énumérations <strong>de</strong> naïvetés<br />

attribuées dans les Apophtegmes au sieur <strong>de</strong> Gaulard se poursuivent par une<br />

continuation, puis une adjonction. L’étu<strong>de</strong>, par l’éditeur <strong>de</strong>s Bigarrures, <strong>de</strong>s quatre<br />

états du texte, permet <strong>de</strong> distinguer les ajouts <strong>de</strong> Tabourot <strong>de</strong> ceux apportés<br />

par d’autres, qui seront typographiquement i<strong>de</strong>ntifiés, détachés du texte <strong>de</strong> l’auteur<br />

et précédés <strong>de</strong> la mention «␣ adjonction d’autruy 65 ␣».<br />

Ce qui se passe autour <strong>de</strong>s ajouts <strong>aux</strong> Bigarrures <strong>de</strong> Tabourot montre la portée<br />

d’un phénomène qui illustre à la fois l’impossible achèvement <strong>de</strong> l’œuvre et la<br />

porosité, la circulation, entre les instances <strong>de</strong> l’auteur et du lecteur, ceci dans un<br />

contexte marqué par les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> travail qui se mettent en place autour <strong>de</strong><br />

l’imprimerie. <strong>La</strong> question est reprise en effet dans <strong>de</strong>ux énoncés <strong>de</strong> l’épitexte,<br />

d’abord dans une lettre <strong>de</strong> Pasquier après la secon<strong>de</strong> impression, où il commente<br />

ces additions, ensuite en avant-propos <strong>de</strong> l’édition <strong>de</strong> 1588. Pasquier offre quelques<br />

bigarrures <strong>de</strong> son cru, qui seront reprises dans l’édition <strong>de</strong> 1585, mais critique<br />

certaines additions <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> édition, car elles «␣ ne ressentent en rien <strong>de</strong><br />

votre naïf␣ ». Tabourot en supprimera quelques-unes et, dans l’avant-propos, renvoie<br />

la responsabilité <strong>de</strong>s maladresses commises à l’imprimeur. On y découvre<br />

une métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> travail propice <strong>aux</strong> malentendus. Tabourot collectionne ses trouvailles<br />

sur <strong>de</strong>s petits papiers qu’il envoie à l’éditeur. Il lui est facile ensuite <strong>de</strong><br />

l’accuser d’en avoir perdu et <strong>de</strong> les avoir mis entre les mains d’une personne<br />

incompétente et sans jugement qui a retranché, ajouté,<br />

y a subrogé <strong>de</strong>s adjonctions <strong>de</strong> son stile, si peu correspondantes au mien, et esloignées<br />

<strong>de</strong> ma conception, qu’il est aisé à voir, à quiconque aura tant soit peu <strong>de</strong> jugement,<br />

que cela n’est du mesme autheur 66 .<br />

Tabourot en fait ensuite la démonstration en décortiquant <strong>de</strong>ux exemples tout<br />

en justifiant l’accueil qu’il leur fait, à la fois par mo<strong>de</strong>stie (car peut-être sont-ils<br />

aussi bons que les siens) et par pru<strong>de</strong>nce car leur auteur est «␣ quelque docte personnage␣<br />

» qu’il ne veut pas s’aliéner en le censurant. L’argument qui vient ensuite<br />

développe une idée du texte qui le rapproche <strong>de</strong> la marquetterie <strong>de</strong> Montai-

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