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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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MYRIAM WATTHÉE-DELMOTTE 171<br />

bien réaliser son ambition <strong>de</strong> construire «␣ quelque chose <strong>de</strong> vaste et <strong>de</strong> fortement<br />

intrigué␣ », mais cette ampleur et cette complexité s’opéreront dans le cadre d’un<br />

recueil <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s et non plus d’un texte romanesque. De même que la complexité<br />

<strong>de</strong>s emboîtements <strong>de</strong>s pièces d’un puzzle est supérieure à celle d’une pièce<br />

unique, fût-elle chargée, le raffinement <strong>de</strong> l’art littéraire reposera désormais sur<br />

l’agencement <strong>de</strong> plusieurs instances narratives à l’intérieur d’un même texte, et<br />

<strong>de</strong> plusieurs <strong>nouvelle</strong>s au sein d’un recueil. Dans cette perspective, c’est bien le<br />

genre <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>, et non le roman, qui offrira désormais le cadre adéquat <strong>aux</strong><br />

ambitions littéraires <strong>de</strong> Barbey.<br />

L’intérêt <strong>de</strong> l’écrivain se marque ainsi ouvertement pour la technique d’écriture,<br />

ce que remarque fort justement Jacques Petit, qui explique le succès <strong>de</strong>s<br />

Diaboliques non par l’originalité <strong>de</strong>s personnages mis en scène, qui n’ont pas<br />

fondamentalement changé par rapport <strong>aux</strong> romans, mais par l’art du récit qui s’y<br />

déploie et leur donne une tout autre résonance 28 . C’est dans la multiplication <strong>de</strong>s<br />

plans, dans l’enchevêtrement <strong>de</strong>s données narratives, dans les reprises, les surprises,<br />

que va se manifester le génie <strong>de</strong> Barbey. Et ces détours, ces brisures, participent<br />

davantage <strong>de</strong> l’esthétique <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> aurevillienne que du roman, et se<br />

décuplent dans l’art <strong>de</strong> l’assemblage en recueil.<br />

Car du point <strong>de</strong> vue structurel, la <strong>nouvelle</strong> et le recueil <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s jouent<br />

davantage et différemment que le roman sur le fragment. De même que l’imbrication<br />

<strong>de</strong>s différentes instances narratives construit le sens <strong>de</strong> chaque <strong>nouvelle</strong>,<br />

<strong>de</strong> même celles-ci ne prennent tout leur sens que mises en relation avec les autres<br />

récits qui composent le recueil : l’intertextualité et l’autotextualité apparaissent<br />

comme les lois narratives <strong>de</strong>s Diaboliques. Remarquons à cet égard que Barbey<br />

reconnaît comme son maître un écrivain qui a fait <strong>de</strong> l’autotextualité le principe<br />

dynamique <strong>de</strong> sa construction romanesque : Balzac, qui l’aurait tout particulièrement<br />

inspiré dans le texte intitulé <strong>La</strong> conversation entre onze heures et minuit 29 .<br />

C’est à l’intérieur du cadre conversationnel que Barbey va pratiquer<br />

l’autotextualité, jouant sur les reprises, les écarts et les silences pour imposer tant<br />

les effets <strong>de</strong> réel que les mystifications ou les doutes. <strong>La</strong> <strong>nouvelle</strong> va ainsi se prêter<br />

à une mise en perspective <strong>de</strong> l’apparence et <strong>de</strong> la réalité, tant et si bien que le titre<br />

du recueil lui-même, Les diaboliques, sera ambigu : il s’appliquera extérieurement<br />

<strong>aux</strong> personnages et intrinsèquement <strong>aux</strong> situations, c’est-à-dire <strong>aux</strong> processus <strong>de</strong><br />

dissimulation mis en œuvre. En d’autres termes, le «␣ diabolique␣ » est ici une figure<br />

en surface, une forme en profon<strong>de</strong>ur. D’où la technique <strong>de</strong> la narration par<br />

dévoilements successifs, où se situe le rapport <strong>de</strong> l’esthétique aurevillienne à une<br />

éthique <strong>de</strong> l’écriture.<br />

LA MISE EN SCÈNE DU MAL ET L’ESTHÉTIQUE DU VIDE<br />

Car ce qui hante Barbey <strong>de</strong>puis sa première ligne d’écriture, c’est bien la question<br />

<strong>de</strong> la représentation du Mal. On sait quels problèmes <strong>de</strong> réception cela a

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