03.07.2013 Views

La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

562<br />

L’APOLOGUE<br />

De toutes ces définitions, retenons d’abord que l’effort du XIX e siècle a été <strong>de</strong><br />

distinguer l’apologue <strong>de</strong> la fable, qui jusque-là avaient été confondus. Les solutions<br />

ont été nombreuses et contradictoires. Si, pour Littré, la fable est plus générale<br />

et l’apologue plus particulier, Bescherelle verra dans l’apologue le genre et<br />

dans la fable l’espèce. Pour lui, la fable ne fait parler que les anim<strong>aux</strong> et les objets<br />

inanimés, quand l’apologue peut en outre utiliser <strong>de</strong>s hommes ou <strong>de</strong>s dieux.<br />

<strong>La</strong> morale semble pour beaucoup la pierre <strong>de</strong> touche <strong>de</strong> l’apologue. Ainsi, pour<br />

Littré, il y a <strong>de</strong>s «␣ contes ingénieux␣ » dans les fables <strong>de</strong> <strong>La</strong> Fontaine, tandis que<br />

l’apologue est toujours fondé sur une allégorie qu’on applique à l’homme. Pour<br />

Tissot, la fable peut ne pas contenir <strong>de</strong> morale ; «␣ l’apologue, ou riant ou sévère,<br />

repose toujours sur le bon sens, et ne peut jamais corrompre ni les yeux, ni l’esprit,<br />

ni le cœur␣ ». <strong>La</strong> même analyse se retrouve dans le <strong>La</strong>rousse <strong>de</strong> 1929.<br />

<strong>La</strong> distinction entre fable et apologue se fera selon <strong>de</strong>s critères qui varient trop<br />

d’un lexicographe à l’autre pour être opérationnels. Mais elle aura pour effet <strong>de</strong><br />

rapprocher l’apologue <strong>de</strong> la parabole. Rien ne les sépare plus, pour Littré : «␣ <strong>La</strong><br />

parabole est un apologue, mais dans l’écriture sainte␣ ». De même, le <strong>La</strong>rousse <strong>de</strong><br />

1929 opposera la fable, qui constitue un tout en soi, à l’apologue et à la parabole,<br />

qui peuvent s’intégrer dans un ensemble plus vaste. Si on ne précise jamais que la<br />

parabole est en prose, la plupart <strong>de</strong> celles qui ont été conservées, dans le Nouveau<br />

Testament, prennent cette forme. Seuls les poèmes <strong>de</strong> l’Ancien Testament sont en<br />

vers, mais on omet <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> les compter parmi les paraboles. Dans la<br />

redéfinition du triangle fable/apologue/parabole, le XIX e siècle aura donc préféré<br />

<strong>de</strong>s critères externes <strong>aux</strong> critères internes. Mais leur multiplication a empêché<br />

une distinction nette et définitive.<br />

Les définitions mo<strong>de</strong>rnes ont surtout retenu <strong>de</strong> ces discussions l’opposition<br />

fréquente, mais non absolue, entre vers et prose. <strong>La</strong> remise en question <strong>de</strong> la<br />

morale dans les années 1960 a ôté <strong>aux</strong> trois genres leur caractéristique fondamentale.<br />

Clau<strong>de</strong> Louis-Combet ira jusqu’à affirmer l’inexistence <strong>de</strong> fables mo<strong>de</strong>rnes<br />

: «␣ Tout cela me paraît suranné, périmé, en tout cas étranger à ma sensibilité<br />

26␣ ». De même, l’abandon du vers classique et l’apparition <strong>de</strong> poèmes en prose<br />

rend caduque la distinction formelle. Seule me semble subsister la volonté exclusivement<br />

narrative <strong>de</strong> l’apologue : on en retrouve manifestement dans certains<br />

recueils <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s, à l’intérieur <strong>de</strong> romans, mais pas dans <strong>de</strong>s recueils <strong>de</strong> poésies.<br />

Pourtant, un renouveau <strong>de</strong>s textes courts, dans les toutes <strong>de</strong>rnières années,<br />

invite à réexaminer ces définitions. <strong>La</strong> sortie récente du Bel aujourd’hui, recueil<br />

collectif <strong>de</strong> fables inédites et souvent en prose, à l’initiative <strong>de</strong> Michel <strong>La</strong>mart,<br />

couronne ce renouveau.<br />

Dans l’emploi actuel, on réserve le mot parabole à un procédé stylistique plutôt<br />

qu’à un genre, permettant un enseignement moral par allégorie, le plus souvent<br />

par référence au Nouveau Testament. L’apologue désigne ce même procédé en<br />

tant que genre littéraire, en prose ou en vers, formant un texte isolé ou à l’intérieur<br />

d’un texte plus long ; il est toujours narratif, peut être vrai ou fictif, et néces-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!