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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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PRATIQUES DU RECUEIL DE NOUVELLES, DES ORIGINES À 1996<br />

s’ils esquissent un récit silencieux qui parcourt tout l’ouvrage, alors le total se rapproche<br />

du roman. Comme cependant chaque «␣ chapitre␣ » est autonome (comme toute<br />

<strong>nouvelle</strong> qui se respecte), le résultat global est un hybri<strong>de</strong> : un roman fait <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s,<br />

un «␣ roman-par-<strong>nouvelle</strong>s␣ ». Reste que cette dénomination manque <strong>de</strong> grâce. Je<br />

n’ai hélas pas trouvé d’autre nom.<br />

Pour ces textes, faut-il parler <strong>de</strong> «␣ montage␣ » au sens cinématographique du terme, plutôt<br />

que <strong>de</strong> composition du recueil ?<br />

J.-N. B. : Je connais peu <strong>de</strong> recueils qui ne soient pas composés. En général les auteurs<br />

font un peu plus que mettre en tas <strong>de</strong>s <strong>nouvelle</strong>s réunies. L’ordre <strong>de</strong>s textes est<br />

toujours important : ne pas commencer par un texte trop fort qui tue tout le reste,<br />

veiller au rythme, songer à <strong>de</strong>s échos, ne pas terminer n’importe comment, etc.<br />

Procé<strong>de</strong>r à un montage au sens cinématographique du terme, c’est autre chose. C’est<br />

tenter <strong>de</strong> calculer les effets <strong>de</strong> continuité et <strong>de</strong> contiguïté entre les divers textes <strong>de</strong><br />

manière à produire du sens avec ces effets-là. C’est ce que j’essaie <strong>de</strong> réaliser. Je ne dis<br />

pas que j’y réussis.<br />

(Interview, Harfang, la revue <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>, n°␣ 9, automne 1995 22 ).<br />

Le tout est <strong>de</strong> voir comment le lecteur se comportera en présence d’une telle<br />

formule, car il doit se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ce qu’il lit en fin <strong>de</strong> compte : un roman ? (dans<br />

l’association créée, c’est le terme dominant), un recueil <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s ? En totale<br />

contradiction avec toute l’histoire du recueil, l’étiquette ne ravale-t-elle pas la<br />

<strong>nouvelle</strong> à un «␣ morceau␣ » <strong>de</strong> roman puisqu’elle nie la notion même <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong><br />

? Plutôt que <strong>de</strong> voir là, en un temps où la <strong>nouvelle</strong> n’occupe plus <strong>de</strong> place<br />

dans le paysage littéraire (je parle <strong>de</strong>s années 90), une volonté <strong>de</strong> lui conférer un<br />

nouveau statut (quoiqu’on doute que celui-ci, équivoque, ambigu, attire les lecteurs,<br />

surtout les lecteurs <strong>de</strong> romans ?), ne serait-il pas un aveu d’impuissance<br />

d’être romancier à part entière ? Et l’étiquette semble actuellement recueillir les<br />

suffrages. Même une nouvelliste, qui fut une figure <strong>de</strong> proue <strong>de</strong>s années 80, comme<br />

Ch. Baroche, annonce pour bientôt un «␣ roman par <strong>nouvelle</strong>s␣ » ! À l’opposé – je<br />

dirais, heureusement – d’aucuns continuent à prôner l’idée d’un recueil<br />

hétérogène :<br />

Est-ce pour atténuer cet effet <strong>de</strong> coupure, <strong>de</strong> séparation, que s’est instauré ce thèmeserpent<br />

<strong>de</strong> mer <strong>de</strong> l’unité, la cohérence, la trame censées relier les <strong>nouvelle</strong>s d’un<br />

recueil ? Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si ce souci d’homogénéité n’est pas une loi du genre (abusivement)<br />

imposée par les éditeurs, la critique ou les auteurs eux-mêmes plutôt qu’une<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s lecteurs ? Bien sûr telle ou telle thématique que se donne l’auteur au<br />

départ peut l’ai<strong>de</strong>r à faire surgir les sujets <strong>de</strong>s <strong>nouvelle</strong>s. Mais le problème est plutôt :<br />

comment un lecteur lit-il un recueil, ou une revue <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s ? Ou bien en picorant,<br />

en prélevant à sa guise, voire éventuellement en prenant le recueil à rebroussepoil<br />

sans se laisser imposer un ordre préétabli (et parfois factice) ? Peut-être une<br />

éducation du lecteur <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s est-elle à faire dans ce sens. Autrement dit, dans le<br />

sens <strong>de</strong> l’acceptation <strong>de</strong> la rupture (ce qui advient, <strong>de</strong> fait, si on lit une <strong>nouvelle</strong><br />

isolée dans un quotidien, un hebdo ou un mensuel). Tout se passerait comme si<br />

l’édition tendait à ce que le recueil <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s doive imiter le roman (par cette

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