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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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LA NOUVELLE COMME ESTHÉTIQUE DU SILENCE<br />

LA NOUVELLE COMME<br />

ESTHÉTIQUE DU SILENCE<br />

«␣ <strong>La</strong> parole sème, le silence récolte␣ », dit un proverbe persan. De fait, à l’origine<br />

<strong>de</strong> toute <strong>nouvelle</strong> est le verbe, celui d’un diseur, d’un conteur professionnel,<br />

d’une voix venue <strong>de</strong> nulle part, et qui veut se dire, ou nous dire ce qu’il est urgent<br />

<strong>de</strong> rapporter. Au commencement est une musique, comme toute musique non<br />

pas rompant le silence, mais, dirait-on, presque enfantée par lui et poursuivant<br />

son cheminement, comme le dit si bien la <strong>nouvelle</strong> <strong>de</strong> Christiane Baroche, «␣ Autrefois,<br />

dans nos chambres d’écho␣ ». Que la <strong>nouvelle</strong> ait partie liée avec l’oralité,<br />

qu’elle s’intègre à un contexte <strong>de</strong> production et à la présence, supposée ou réelle,<br />

d’un public, chacun le sait <strong>de</strong>puis longtemps. Mais, aujourd’hui, quand la tradition<br />

subsiste, c’est d’une manière tellement codée qu’elle a perdu ses vertus primitives<br />

<strong>de</strong> communication et ne perdure qu’à travers les stéréotypes d’une convention.<br />

Il n’en reste pas moins que, surgie d’un en <strong>de</strong>çà, une voix s’élève pour<br />

emplir le silence du lecteur, qu’une voix investit le blanc <strong>de</strong> la page et occupe le<br />

bref espace d’un texte pour laisser place à d’autres textes comme lui promis à la<br />

disparition. Étrange dualité <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>, stérile et fécon<strong>de</strong>, vacante et riche,<br />

murmure résonnant à l’infini…<br />

S’il est vrai que «␣ la parole sème␣ » et que «␣ le silence récolte␣ », si le poète a bien<br />

senti que :<br />

Chaque atome<br />

De silence<br />

Est la chance<br />

D’un fruit mûr, 1<br />

à quelles règles d’écriture, à quelles exigences intérieures le genre obéit-il, et,<br />

surtout, pourquoi, infime par rapport à la masse du roman, à peine audible eu<br />

égard à la profération <strong>de</strong> la parole théâtrale, la <strong>nouvelle</strong> laisse-t-elle autant d’empreintes<br />

dans le paysage intime qu’elle a parcouru, et tant <strong>de</strong> résonances dans le<br />

cœur <strong>de</strong> celui qui a su se mettre à son écoute ?<br />

*<br />

Pourtant, a priori, rien ne semble vouer la <strong>nouvelle</strong> à cette plénitu<strong>de</strong> du silence.<br />

Pis encore, elle serait le mo<strong>de</strong> d’expression le plus anodin, le plus mineur, le plus<br />

évanescent. À commencer par les personnages. Qui sont-ils, ces «␣ gens <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>␣<br />

», comme on dit «␣ les gens du voyage␣ » ? Vous, moi, personne. Évoquant

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