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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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278<br />

Plus loin :<br />

QUAND LA NOUVELLE SE FAIT PASTICHE<br />

— Patrice, si tu voyais un docteur ? — Un docteur ? On en a déjà vu, tu sais bien.<br />

C’est <strong>de</strong> la paralysie ; il n’y a rien à faire qu’il nous a dit. […] Et en elle-même, la tante<br />

Alma ajoutait : «␣ J’y parlerai, moi, au docteur… et on verra bien que c’est pas les<br />

jambes qu’elle a <strong>de</strong> plus mala<strong>de</strong>…␣ » (AD, p.␣ 74).<br />

Alors que l’univers premier du texte, la diégèse donc, est directement et<br />

référentiellement poétique, l’univers second, la diégèse secon<strong>de</strong>, est ce moment<br />

du texte où la poésie bute sur la réalité <strong>de</strong> la prose. En opposant d’une telle manière<br />

Dominique à son père et à sa tante, la diégèse secon<strong>de</strong> propose au lecteur<br />

un univers référentiel au sein duquel il pourra se reconnaître permettant ainsi <strong>de</strong><br />

rattacher le texte à la tradition narrative <strong>de</strong>s genres en prose. Le récit <strong>de</strong> la diégèse<br />

secon<strong>de</strong> offre aussi <strong>de</strong> nombreuses <strong>de</strong>scriptions qui ont pour effet <strong>de</strong> ramener le<br />

lecteur dans un univers réaliste ; c’est aussi là qu’on apprend que Dominique est<br />

orpheline <strong>de</strong> mère. Comme le texte nous l’apprend lui-même :<br />

En Dominique, le décalage entre sa vie profon<strong>de</strong> et les détails extérieurs <strong>de</strong> son<br />

existence quotidienne s’accentue <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong>puis qu’un être extraordinaire,<br />

oiseau ou luciole, mime <strong>de</strong>vant elle et pour elle <strong>de</strong>s pas <strong>de</strong> feu et <strong>de</strong> songe (AD, p.␣ 64).<br />

Voilà bien ce qu’est la diégèse secon<strong>de</strong> <strong>de</strong> «␣ L’ange <strong>de</strong> Dominique␣ » : le récit <strong>de</strong>s<br />

détails extérieurs <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> Dominique.<br />

Qu’en est-il du fonctionnement textuel <strong>de</strong>s noms propres dans ce texte ? Dans<br />

un article récent, Yves Bau<strong>de</strong>lle a expliqué que la <strong>nouvelle</strong> est un récit à «␣ faible<br />

<strong>de</strong>nsité onomastique␣ ». Elle compte généralement peu <strong>de</strong> noms propres et «␣ les<br />

occurrences <strong>de</strong>s quelques noms qu’on a sont peu nombreuses 28 ␣ ». Bau<strong>de</strong>lle explique<br />

<strong>de</strong> plus que les noms au sein <strong>de</strong>s <strong>nouvelle</strong>s sont, contrairement <strong>aux</strong> noms<br />

romanesques, rarement motivés. Il remarquera ensuite que le prénom est peutêtre<br />

le nom privilégié <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>, l’emploi <strong>de</strong> noms <strong>de</strong> famille au sein d’un<br />

texte étant en soi un procédé plus romanesque :<br />

[…] cette approche subjective du mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s êtres à l’œuvre dans la <strong>nouvelle</strong><br />

explique au <strong>de</strong>meurant la primauté accordée <strong>aux</strong> prénoms sur les noms <strong>de</strong> famille, le<br />

nom <strong>de</strong> baptême, dans un récit, instaurant, dans notre rapport au personnage, un<br />

lien sinon intime, du moins plus proche que le patronyme 29 .<br />

Or voilà bien ce que nous propose «␣ L’ange <strong>de</strong> Dominique␣ » : que <strong>de</strong>s prénoms ;<br />

aucun nom <strong>de</strong> famille. En cela, le texte confirme les observations <strong>de</strong> Bau<strong>de</strong>lle.<br />

Pourtant, «␣ L’ange <strong>de</strong> Dominique␣ » est un texte où la <strong>de</strong>nsité onomastique est<br />

forte, les prénoms y sont répétés à satiété. «␣ Dominique␣ », pour n’en prendre<br />

qu’un est répété 107 fois dans ce texte <strong>de</strong> 25 pages. Il y a là un indice à ne pas<br />

négliger, très certainement. Si l’on y regar<strong>de</strong> <strong>de</strong> plus près, l’on remarque que le

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