La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

LA NOUVELLE,
UNE LITTÉRATURE POUR LA JEUNESSE ?
Les deux pistes d’exploration que nous avons privilégiées afin de vérifier si la
nouvelle constitue ou non un genre, une littérature pour la jeunesse concernent
des institutions qui ne sont pas sans rapport l’une avec l’autre, à savoir l’institution
littéraire d’une part et l’institution scolaire de l’autre.
Au sein du champ littéraire, la littérature de jeunesse est aujourd’hui un secteur
spécifiquement reconnu et «␣ marqué␣ ». La littérature de jeunesse a ses collections
voire ses maisons d’édition, ses auteurs, ses critiques, ses revues spécialisées,
ses salons, ses prix… Dans ce que l’institution éditoriale détermine comme
étant de la littérature pour la jeunesse, la nouvelle apparaît-elle et si oui, sous
quelle forme ? Telles sont les questions qui nous préoccuperont dans la première
partie de cet article.
S’il est possible de définir d’une certaine façon la littérature de jeunesse au
départ du champ éditorial, il est aussi envisageable, comme le propose Jean-Marie
Fournier, de la définir au départ de l’école.
On peut considérer [écrit Fournier] que la littérature de jeunesse, à une époque donnée,
est constituée par le corpus des œuvres que certaines institutions signalent ou
désignent comme telles. L’institution en question peut être l’école ou l’édition 1 .
En allant un peu plus loin et en forçant un peu les choses, on pourrait considérer
comme littérature de jeunesse tout ce que l’école enseigne comme littérature,
tous les textes qu’elle trouve utile de faire connaître à la jeunesse et qu’elle a
sélectionnés comme étant «␣ bons␣ » pour elle. Toute littérature scolarisée serait
dans ce sens une littérature de jeunesse ou, à tout le moins, une littérature pour
la jeunesse. Dans la seconde partie de l’article, nous examinerons la place occupée
par la nouvelle au sein de la littérature «␣ scolarisée␣ ». Notre attention portera
en particulier sur les textes officiels qui régissent l’enseignement du français dans
les premières années de l’enseignement secondaire. Il s’agira moins d’être exhaustif
que de relever ici ou là des signes probants de la présence de la nouvelle à
l’école.
En complément des deux orientations choisies, signalons la possibilité d’une
troisième piste. Celle-ci consisterait, dans une perspective sociologique, à enquêter
auprès des jeunes lecteurs afin de connaître la place occupée par la nouvelle
dans leurs pratiques et leurs habitudes de lecture. Une telle enquête réserverait à
coup sûr certaines surprises, à commencer peut-être par le fait que certains jeunes,
à l’instar de Monsieur Jourdain, lisent sans doute des nouvelles sans le sa-