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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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LA NOUVELLE ET LE TEXTE DRAMATIQUE<br />

Troisièmement, la réflexion théorique sur la <strong>nouvelle</strong>, celle <strong>de</strong>s auteurs euxmêmes,<br />

mais aussi celle à l’œuvre dans les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> synthèse, met en évi<strong>de</strong>nce<br />

qu’il existe un langage critique commun à la <strong>nouvelle</strong> 2 et au texte dramatique.<br />

Ceci révèle bien la contiguïté <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux genres qui mérite d’être étudiée. En effet<br />

d’importantes et nombreuses caractéristiques théoriques <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> se répartissent<br />

fort bien selon ce que Jacques Scherer appelle la «␣ structure interne␣ » et la<br />

«␣ structure externe␣ » <strong>de</strong> la pièce 3 .<br />

On peut récapituler rapi<strong>de</strong>ment les différents critères théoriques <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>,<br />

analogues ou i<strong>de</strong>ntiques <strong>aux</strong> critères <strong>de</strong> «␣ la structure interne␣ » <strong>de</strong> la pièce<br />

classique à partir du temps, <strong>de</strong>s personnages et <strong>de</strong> l’action.<br />

Au théâtre, le temps idéal rési<strong>de</strong> dans la concordance entre le temps représenté<br />

et le temps <strong>de</strong> la représentation 4 . L’œuvre dramatique recherche donc une durée<br />

très courte. <strong>La</strong> <strong>nouvelle</strong> contemporaine selon R.␣ Go<strong>de</strong>nne «␣ se présente presque<br />

toujours maintenant comme une œuvre brève 5 ␣ » ; il ajoute qu’«␣ il n’y a plus adhérence<br />

à une durée 6 ␣ ». Pour exprimer cette concentration R.␣ Go<strong>de</strong>nne forge même<br />

le concept <strong>de</strong> «␣ <strong>nouvelle</strong>-instant 7 ␣ ». Quant à D.␣ Grojnowski il voit le temps <strong>de</strong> la<br />

<strong>nouvelle</strong> «␣ comme une unité dramatique 8 ␣ » ; ce que confirme T.␣ Ozwald en rappelant<br />

une analyse <strong>de</strong> Chassang-Senninger qui assimile le temps <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> à<br />

celui <strong>de</strong> l’œuvre dramatique 9 .<br />

Le nombre <strong>de</strong> personnages favorise également le rapprochement entre la <strong>nouvelle</strong><br />

et le texte dramatique classique. <strong>La</strong> pièce classique met en scène peu <strong>de</strong><br />

personnages 10 . D.␣ Grojnowski trouve à la <strong>nouvelle</strong> une caractéristique i<strong>de</strong>ntique :<br />

«␣ <strong>La</strong> caractéristique <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> est <strong>de</strong> mettre en scène un personnage dans l’espace<br />

d’une action simple 11 ␣ ». Ainsi la <strong>nouvelle</strong> est-elle le récit d’un <strong>de</strong>stin individuel<br />

et les groupes y sont rares car «␣ le resserrement <strong>de</strong> l’action conduit l’auteur à<br />

privilégier un personnage 12 ␣ », comme au théâtre.<br />

Enfin l’action, le <strong>de</strong>rnier élément qui appartient à la structure interne <strong>de</strong> la<br />

pièce, est dans la dramaturgie classique unique et simple 13 , et il repose sur une<br />

crise et un dénouement. Sur ce point le discours critique qui concerne l’action <strong>de</strong><br />

la <strong>nouvelle</strong> est particulièrement homogène. Si J.-P.␣ Aubrit, citant M.␣ Viegnes 14 ,<br />

parle du «␣ schéma dramaturgique classique d’un micro-drame, comportant l’enclenchement<br />

d’un conflit d’une crise et d’un dénouement 15 ␣ », R.␣ Go<strong>de</strong>nne pour<br />

sa part définit l’action <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> par la «␣ concentration dans les faits, [le]<br />

resserrement dans l’exposition, [la] rapidité dans le déroulement 16 ␣ ». On retrouve<br />

également chez D.␣ Grojnowski et T.␣ Ozwald l’analyse <strong>de</strong>s <strong>nouvelle</strong>s construites<br />

sur <strong>de</strong>s événements qui ne se produisent pas, <strong>de</strong> sorte qu’on peut en effet affirmer<br />

17 que «␣ la <strong>nouvelle</strong> semble faite <strong>de</strong> rien␣ », tout comme Bérénice <strong>de</strong> Racine ou<br />

le théâtre moins classique <strong>de</strong> S.␣ Beckett, <strong>de</strong> R.␣ Pinget, et <strong>de</strong> N.␣ Sarraute. On pourrait<br />

accentuer le rapprochement entre l’action dramatique et l’action <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong><br />

en approfondissant les concepts <strong>de</strong> crise, <strong>de</strong> dénouement et <strong>de</strong> nécessité,<br />

mais on voit bien que les critères déjà analysés <strong>de</strong> la structure interne <strong>de</strong> la pièce<br />

classique, même s’ils ne suffisent évi<strong>de</strong>mment pas à définir la <strong>nouvelle</strong>, sont à<br />

tout le moins indispensables à sa compréhension.

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