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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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QUAND LA NOUVELLE SE FAIT PASTICHE<br />

velle «␣ vise au serré, au concentré, au soutenu, tiré soit vers l’extrême économie<br />

narrative, soit vers la fulgurance luxueuse du poème 18 ␣ ». Et Henri-Dominique<br />

Paratte d’écrire :<br />

[…] la <strong>nouvelle</strong> se justifie avant tout par l’extrême concision <strong>de</strong> son final, manière <strong>de</strong><br />

tailler dans l’attente, <strong>de</strong> faire surgir l’inattendu, <strong>de</strong> dérouter le linéaire qui précédait,<br />

même lorsqu’il s’agit d’une récurrence […] dans une forme qui pourrait sembler<br />

avant tout poétique 19 .<br />

C’est une remarque récente <strong>de</strong> Michel Lord qui semble cependant la plus fertile :<br />

[…] les pouvoirs <strong>de</strong> la forme [<strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>] apparaîtraient donc autant comme <strong>de</strong>s<br />

contraintes que <strong>de</strong>s libertés […] ainsi on choisirait <strong>de</strong> faire bref non pas pour dire peu<br />

[…] mais pour creuser l’écart entre le signe et le sens 20 .<br />

Cette remarque sur l’écart entre le signe et le sens ne résume-t-elle pas, d’une<br />

certaine façon, l’esprit qui a procédé à l’écriture poétique <strong>de</strong>puis Bau<strong>de</strong>laire disons<br />

? L’intention <strong>de</strong>s poètes «␣ mo<strong>de</strong>rnes␣ » n’était-elle pas justement <strong>de</strong> créer cet<br />

écart ? De le fon<strong>de</strong>r ? L’exigence première <strong>de</strong> l’écriture <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> s’inscrirait<br />

donc au cœur même <strong>de</strong>s préoccupations qui ont secoué l’écriture poétique <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers siècles. Il y a là une tentative <strong>de</strong> réconciliation entre la prose et la<br />

poésie qui mérite d’être tenue en considération.<br />

Tant dans l’esprit que dans la forme, la <strong>nouvelle</strong> s’apparenterait plutôt au<br />

poème 21 ; elle appartiendrait <strong>de</strong> plein droit à une case proche <strong>de</strong> celle du poème<br />

dans la typologie générique, si une telle typologie existe. Sa concision, sa brièveté,<br />

la nécessité qu’elle a d’évoquer plutôt que <strong>de</strong> décrire, le fait qu’elle «␣ cultive<br />

sa différence dans l’instantané photographique 22 ␣ », tout ou presque, dans les définitions<br />

que l’on donne <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> (même lorsqu’on la compare au conte ou<br />

au roman), semble concourir à en faire un sous-genre poétique plutôt que narratif<br />

malgré l’acharnement <strong>de</strong>s critiques à l’opposer au roman et au conte. C’est en<br />

effet ce que suggère Mary-Ann Pratt lorsqu’elle écrit que «␣ in its normally limited<br />

scope and subjective orientation, [the short story] corresponds to the lyric poem<br />

as the novel does to the epic 23 ␣ ». Pratt place donc la <strong>nouvelle</strong> parmi les genres<br />

poétiques et ce, malgré qu’elle soit écrite en prose. Dans le même courant d’idée,<br />

Dominique Combe explique que, jusqu’au XIX e ␣ siècle, l’histoire <strong>de</strong>s genres littéraires<br />

en est une <strong>de</strong> mutuelle exclusion entre le narratif et le poétique et que le<br />

poème en prose est le genre qui marque la réconciliation du poétique et du narratif<br />

24 . De façon étonnante, sa définition du poème en prose – qu’il emprunte à<br />

Suzanne Bernard – pourrait tout aussi bien convenir pour la <strong>nouvelle</strong> :<br />

[…] plus que le poème en vers, le poème en prose doit éviter les digressions morales<br />

ou autres, les développements explicatifs – tout ce qui ramènerait <strong>aux</strong> autres genres<br />

<strong>de</strong> la prose, tout ce qui nuirait à son unité, à sa <strong>de</strong>nsité […] l’affinité du poème en

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