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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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IMMACULADA ILLANES ORTEGA 209<br />

On peut cependant distinguer <strong>de</strong>ux parties nettement différenciées dans le<br />

récit, dont la séparation n’a pas été marquée par l’auteur dans la forme externe <strong>de</strong><br />

celui-ci. Le premier chapitre, où l’on raconte les funérailles du gangster, se différencie<br />

du reste <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> non seulement du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la localisation<br />

(c’est le seul qui se passe en Amérique), mais aussi en ce qui concerne le traitement<br />

technique du récit. À lui seul, il pourrait constituer une <strong>nouvelle</strong>, puisque<br />

ses treize pages possè<strong>de</strong>nt une forte unité narrative qui est brisée par la suite<br />

jusqu’à ce que l’épiso<strong>de</strong> final ren<strong>de</strong> son unité à l’ensemble.<br />

Il n’est donc pas étrange <strong>de</strong> trouver que le nombre <strong>de</strong> scènes séparées par <strong>de</strong>s<br />

blancs est beaucoup plus grand dans ce premier chapitre que dans le reste <strong>de</strong><br />

l’histoire, séparée en sept épiso<strong>de</strong>s princip<strong>aux</strong>. Huit scènes constituent ce premier<br />

tableau dont la composition est tout à fait cinématographique. Les funérailles<br />

<strong>de</strong> Bug O’Shea et le départ <strong>de</strong> son cercueil du port <strong>de</strong> New York vers son<br />

Irlan<strong>de</strong> natale nous sont racontés à travers la focalisation <strong>de</strong> différentes scènes :<br />

la conversation entre un nettoyeur <strong>de</strong> carre<strong>aux</strong> et une femme <strong>de</strong> ménage, l’activité<br />

dans la salle <strong>de</strong> rédaction du Chicago Vesperal, les commentaires d’un limonadier<br />

et ses clients dans la rue, la <strong>de</strong>scription du cortège, le dialogue entre un<br />

banquier, victime du gangster, et sa fille, les propos tenus entre <strong>de</strong>s policiers d’origine<br />

irlandaise, et, finalement, le départ du cercueil dans un transatlantique <strong>de</strong><br />

luxe. Cette structure permet <strong>de</strong> changer le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> façon à obtenir un<br />

récit polyphonique <strong>de</strong>s faits, où l’on trouve même <strong>de</strong>s interventions chorales <strong>de</strong><br />

la foule. <strong>La</strong> parole du narrateur à la troisième personne (ses commentaires et ses<br />

opinions même) se mêle à celle <strong>de</strong> différents personnages qui ne sont que <strong>de</strong><br />

petites manifestations <strong>de</strong> la vaste et complexe société américaine, pour nous raconter<br />

l’événement dans toutes ses dimensions. De cette façon, le récit d’un épiso<strong>de</strong><br />

sert encore une fois à faire le portrait d’une société.<br />

De plus, la société mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong>s États-Unis est présentée à travers <strong>de</strong>s moyens<br />

propres à la technique cinématographique mo<strong>de</strong>rne : la focalisation <strong>de</strong> scènes<br />

diverses dont le seul lien est le sujet <strong>de</strong>s conversations, l’utilisation <strong>de</strong> répliques<br />

et <strong>de</strong> menus détails pour créer un climat, les images <strong>de</strong> foule dans <strong>de</strong> grands<br />

espaces ouverts, et même une attention portée <strong>aux</strong> détails visuels qui cette fois-ci<br />

n’est pas tout simplement photographique mais qui tient compte aussi du mouvement<br />

10 .<br />

Le récit change tout à fait <strong>de</strong> localisation, <strong>de</strong> forme, <strong>de</strong> thématique et apparemment<br />

d’histoire à partir du <strong>de</strong>uxième chapitre, lorsque le narrateur omniscient,<br />

en introduisant parfois le discours direct <strong>de</strong> ses personnages, nous raconte la<br />

recherche <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> McGovern, un immigré revenu enrichi <strong>de</strong>s États-Unis,<br />

d’un logis et d’une propriété où vivre en vrai Irlandais. Si le premier chapitre se<br />

rapprochait du cinéma, cette secon<strong>de</strong> partie s’apparente souvent au gui<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

voyage. Mené par McGovern et Cucogri, le lecteur parcourt l’Irlan<strong>de</strong>, à travers un<br />

itinéraire spécialement tracé pour retrouver toutes ses beautés. Le narrateur se<br />

plaît à citer <strong>de</strong>s toponymes, à décrire le paysage (quoique <strong>de</strong> façon con<strong>de</strong>nsée), à

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