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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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496<br />

PRATIQUES DU RECUEIL DE NOUVELLES, DES ORIGINES À 1996<br />

rait-ce pas ainsi une volonté déguisée, chez les nouvellistes, d’échapper au reproche<br />

<strong>de</strong> décousu, <strong>de</strong> disparate que l’on adresse souvent au recueil <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s<br />

bien moins lu qu’une œuvre suivie ?<br />

TRADITION ET ARCHÉTYPE ?: LE ROMAN PAR NOUVELLES DES ANNÉES 90<br />

Si, pendant <strong>de</strong>s siècles, la notion <strong>de</strong> recueil <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s, et au-<strong>de</strong>là la notion<br />

même <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>, est antinomique <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> roman (il est significatif que l’association<br />

«␣ <strong>nouvelle</strong>-petit roman␣ » <strong>de</strong>s XVII e et XVIII e siècles ne soit plus reprise à<br />

propos <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> dès le XIX e siècle), en ce qui concerne la notion <strong>de</strong> recueilensemble<br />

il n’en va plus <strong>de</strong> même puisque celle-ci repose non plus sur la disparité<br />

mais sur la correspondance <strong>de</strong>s textes entre eux. Alors que les auteurs continuent<br />

à concevoir la <strong>nouvelle</strong> selon <strong>de</strong>s principes radicalement différents <strong>de</strong> ceux du<br />

roman, ils inféo<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> plus en plus la notion <strong>de</strong> recueil à celle <strong>de</strong> roman. Voilà<br />

bien le paradoxe <strong>de</strong> cette fin <strong>de</strong> siècle : le lecteur d’un recueil <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s est<br />

incité à le lire comme un roman : «␣ Cela m’incline à penser que ce recueil d’histoires<br />

pourrait peut-être se lire aussi comme un ROMAN dont le personnage essentiel,<br />

en <strong>de</strong>çà <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s héros sur le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong>squels se referme chaque<br />

récit, serait l’enfance…␣ » (G.-E. Clancier, Les arènes <strong>de</strong> Vérone, <strong>nouvelle</strong>s, 1964, p.<br />

7), «␣ L’auteur nous donne ici un recueil <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s, qui, tels <strong>de</strong> petits chapitres<br />

d’un ROMAN, <strong>de</strong>ssine la vie <strong>de</strong> son héros␣ » (J.-P. Demure, Petites chroniques <strong>de</strong> la<br />

nuit, 1989 ; notice au verso), «␣ Contre toute apparence, ce livre n’est pas un recueil<br />

<strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s mais un ROMAN. En effet, dans un ordre alphabétique impeccable,<br />

Félix, Gilles, Henri, Irénée, Jacques et Konrad cachent une même histoire…␣ »<br />

(J.-L. Picoche, 6 petits Faust, 1995, avant-propos)… Comme si les nouvellistes<br />

souffraient <strong>de</strong> ne pas être romanciers !<br />

Le rapprochement entre roman et recueil se manifeste déjà dans les titres, on<br />

l’a vu, l’étiquette <strong>de</strong> «␣ roman␣ » se substituant à celle <strong>de</strong> «␣ <strong>nouvelle</strong>␣ » pour désigner<br />

d’incontestables recueils <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s, et ce à vingt-cinq reprises <strong>de</strong>puis 1940 :<br />

<strong>de</strong> J.␣ Ray (Les cercles <strong>de</strong> l’épouvante, roman, 1944) et A. Chau<strong>de</strong>urge (Le tribunal <strong>de</strong><br />

Dieu, roman, 1948) à D.␣ Daeninckx (Le facteur fatal, roman, 1990) et V.␣ Volkoff (Le<br />

Berkeley à cinq heures, roman, 1993)… Cette habitu<strong>de</strong> tire, à mon sens, son origine<br />

d’une pratique éditoriale avancée, celle d’élire un terme plus commercial que<br />

«␣ <strong>nouvelle</strong>␣ », qui n’est pas commercial. (Cet extrait d’une lettre inédite <strong>de</strong> M.␣ <strong>La</strong>sc<strong>aux</strong><br />

se passe <strong>de</strong> commentaire :<br />

[…] lorsque j’ai publié la «␣ Bataille <strong>de</strong> Kermovan␣ » (1984), mon éditeur m’a <strong>de</strong>mandé<br />

<strong>de</strong> modifier le sous-titre, qui était «␣ et autres récits fantastiques␣ » pour le remplacer<br />

par le mot «␣ roman␣ ». Il a invoqué <strong>de</strong>s raisons d’ordre commercial, en m’affirmant<br />

que le livre se vendrait plus facilement [8 novembre 1985].)<br />

Ainsi les cinq recueils <strong>de</strong> G.␣ <strong>de</strong>s Cars, auteur commercial s’il en est, seront-ils<br />

toujours intitulés «␣ romans␣ », comme ces recueils réédités récemment d’auteurs à

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