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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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MICHEL GUISSARD 237<br />

texte encadrant final, faisant partie intégrante du recueil, où la voix auctoriale se<br />

substitue à la voix narratoriale 17 .<br />

Étendons maintenant nos recherches au-<strong>de</strong>là d’À perdre haleine. Car si une unité<br />

se dégage d’un même ensemble-<strong>de</strong>-<strong>nouvelle</strong>s, elle semble s’étendre à l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s ensembles-<strong>de</strong>-<strong>nouvelle</strong>s d’Arland. <strong>La</strong> variété du cadre géographique <strong>de</strong>s différents<br />

recueils est très limitée : les paysages <strong>de</strong> la Lorraine natale d’Arland, la vallée<br />

<strong>de</strong> l’Amance, l’Auvergne, la Bretagne, le milieu campagnard ou la petite ville<br />

<strong>de</strong> province (Van<strong>de</strong>uvre(s), Clermont…). Des motifs, parfois anodins, se répètent<br />

<strong>de</strong> recueil en recueil : les coups <strong>de</strong> cloche <strong>de</strong> l’église qui rythment les journées<br />

dans les villages (très présents dans Les vivants), une voix mystérieuse entendue<br />

dans les bois, <strong>de</strong>s processions (sacrées et profanes), etc.<br />

Certaines <strong>nouvelle</strong>s donnent une impression <strong>de</strong> déjà lu, reprenant peu ou prou<br />

<strong>de</strong>s scénarios connus. On mesurera le phénomène en comparant «␣ Bénédiction␣ »<br />

(À perdre haleine) et «␣ Les Brantaume␣ » (Le grand pardon). De retour au village pour<br />

y mourir, le misanthrope Germain Brantaume, reçoit la visite d’Agnès, la fille<br />

d’une ancienne amoureuse. Elle a besoin d’une dot pour épouser le fils du notaire<br />

et tâche <strong>de</strong> convaincre le vieil homme <strong>de</strong> la coucher sur son testament. Germain<br />

la met à l’épreuve, lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> dénu<strong>de</strong>r pour lui, dans l’obscurité, le haut <strong>de</strong><br />

son corps ; elle cè<strong>de</strong>, il lui donne le testament, rédigé bien avant l’épreuve. Entre<br />

eux naît finalement une mutuelle compréhension. Dans «␣ Bénédiction␣ », le vieux<br />

Jean-Sébastien Muller est aussi revenu au village après bien longtemps, et il va<br />

mourir. Il refuse <strong>de</strong> rencontrer ses <strong>de</strong>ux filles qui espèrent empocher l’héritage. Il<br />

vit avec Nathalie, une jeune Russe bonne à tout faire, laquelle est tombée amoureuse<br />

<strong>de</strong> Bruno, le maçon, qui lui a donné un ultimatum : qu’elle quitte Muller<br />

pour le rejoindre, sinon c’est lui qui la quittera. Nathalie hésite à abandonner le<br />

vieux qu’elle a pris en pitié, bien qu’il ait profité d’elle <strong>de</strong> toutes les façons. Il se<br />

confie à elle, l’apitoie ; mais la confi<strong>de</strong>nce dégénère, le vieux re<strong>de</strong>vient lubrique.<br />

Nathalie finalement le quitte pour rejoindre Bruno. Muller s’en était douté ; il<br />

meurt seul, un peu apaisé. Les <strong>de</strong>ux <strong>nouvelle</strong>s racontent la même histoire, celle<br />

d’un vieil homme peu amène, au seuil d’une vie au bilan peu réjouissant, clairvoyant<br />

envers la nature humaine, désirant malgré tout encore aimer et être aimé,<br />

et qui meurt soulagé.<br />

Arland favorise la proximité entre les <strong>nouvelle</strong>s <strong>de</strong> différents recueils en utilisant<br />

à l’occasion <strong>de</strong>s titres semblables : ainsi en est-il <strong>de</strong> «␣ <strong>La</strong> voix␣ » qui ouvre les<br />

recueils Il faut <strong>de</strong> tout pour faire un mon<strong>de</strong> et Atten<strong>de</strong>z l’aube et ferme la partie<br />

«␣ Chronique <strong>de</strong>s passants (II)␣ » dans Le grand pardon. Ces trois <strong>nouvelle</strong>s sont<br />

assez éloignées quant à leur intrigue. Leur point commun rési<strong>de</strong> dans le mélange<br />

<strong>de</strong>s voix dont le narrateur rend diversement compte, cette alchimie par laquelle<br />

on ne sait plus «␣ qui parle, qui écoute, qui vit, d’où monte cette sorte <strong>de</strong> chant<br />

assez rauque, joie et misère, ni vers où, ni ce qu’il attend 18 ␣ ». Témoignent aussi <strong>de</strong><br />

cette continuité entre les recueils les <strong>de</strong>ux <strong>nouvelle</strong>s «␣ Mort d’un vieillard␣ » et

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