Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

préparant les dépassements et contenant en germe le paradigme de demain »
(Richelle, 1982, p. 57)
b) La « profession » de psychologue, ou comment créer une unité
professionnelle à partir d’une multiplicité de paradigmes ?
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
L’histoire de la profession de psychologue représente donc un défi pour l’analyse des
phénomènes de professionnalisation : comment comprendre le succès relatif du projet
professionnel des psychologues dans la plupart des pays, alors même que les savoirs sur
lesquels ils s’appuient ne sont pas stabilisés ni codifiés et qu’un désaccord existe sur la nature
même du savoir psychologique et sur ce qui constitue « l’acte professionnel le plus
caractéristique » d’un psychologue (Bucher et Strauss, 1992) ?
Différentes pistes peuvent être explorées pour comprendre une telle situation. On
peut d’abord imaginer que chaque paradigme ait donné naissance à un segment particulier de
la profession, et que ces segments se soient finalement séparés les uns des autres pour donner
naissance à des professions différentes, qui n’ont plus rien de commun en dehors de leur
appellation (ce qu’Abbott nomme les subdivisions, voir figure 3 supra). L’appellation de
psychologue ne serait alors rien d’autre que le signe d’un « pacte de coexistence pacifique
conclu entre professionnels » (Canguilhem, 1994 [1957], p 366). Le paradigme
expérimentaliste, par exemple, aurait donné naissance à une profession de
« psychotechnicien » ou de psychométricien, expert dans le domaine des tests et de la mesure
des aptitudes, alors que le paradigme clinique aurait donné naissance à une profession de
psychologue clinicien, exerçant principalement dans le domaine de la santé. Deux éléments
viennent toutefois contredire un tel point de vue. D’une part, on trouve des psychométriciens
dans le champ de la santé, de même qu’il y a de nombreux « cliniciens » dans le champ du
travail ou de l’orientation professionnelle, même s’il est vrai que la psychologie clinique est
plus étroitement associée au domaine de la santé et au traitement des pathologies, et que la
psychométrie est davantage tournée vers les applications sociales non pathologiques (travail,
école…). En réalité, la clinique et la psychométrie ne s’opposent pas tant par leur objet que
par le type de démarche qu’elles mettent en œuvre. Par ailleurs – et cela est vrai également
dans la plupart des autres pays – c’est le titre de « psychologue » qui est légalement protégé
en France, non celui de psychologue de telle ou telle spécialité. On voit donc que les
personnes se reconnaissent comme membres d’une seule et même profession au-delà de la
diversité de leurs méthodes.
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