Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
accru du travail individuel, face aux pressions organisationnelles et à l’impératif de rendre des
comptes aux financeurs publics. De l’autre, les psychologues ont le sentiment de perdre les
appuis théoriques et les valeurs qui fondaient jusqu’alors leur action face à la prolifération des
pratiques et des intervenants. Les mêmes changements sont à l’œuvre dans l’Education
nationale, où les conseillers d’orientation semblent connaître une « crise » permanente depuis
une trentaine d’années. Ils s’appuient toujours sur des références théoriques issues de la
psychologie, mais les fondements de celles-ci sont moins clairement explicités que ceux de la
psychotechnique ; surtout, ils ont le sentiment que leurs missions n’ont guère évolué dans un
nouveau contexte socio-économique marqué par la montée du chômage et des difficultés
d’insertion à la sortie du système scolaire. La territorialisation accrue des politiques d’emploi,
de formation et d’insertion depuis le début des années 1990, achève de mettre en cause le
modèle centralisé d’ajustement entre qualifications et aptitudes qui s’était mis en place au
cours des Trente glorieuses.
Assez paradoxalement, cette évolution du contexte de l’orientation professionnelle
crée aussi des conditions favorables à l’apparition d’un nouveau « mandat » pour les
psychologues du travail, mandat centré cette fois sur les pratiques d’accompagnement
individualisé sur le marché du travail. La montée du chômage a en effet conduit les pouvoirs
publics à abandonner progressivement l’idée d’une orientation des demandeurs d’emploi vers
des filières de qualification prédéfinies. C’est désormais dans le sujet lui-même, ses attributs
personnels, ses compétences et surtout sa capacité à construire un « projet » que résiderait,
selon ces politiques, la solution au problème du chômage. Le travail du psychologue ne
consiste plus alors seulement à « orienter » l’individu en fonction de qualifications ou
d’aptitudes, mais à l’aider dans son travail réflexif sur sa propre trajectoire personnelle et
professionnelle, ce qui est censé favoriser son retour vers l’emploi. La mission du
psychologue du travail se rapproche alors de celle du psychologue clinicien, tout en étant,
comme on l’a souligné, plus ambiguë puisque la demande d’aide est souvent formulée par
l’individu de manière moins explicite que dans le cadre de l’activité clinique classique 5 . Les
psychologues ne disposent pas non plus, dans ce type d’intervention, des mêmes garanties
d’indépendance que dans les actes à finalité explicitement thérapeutique.
partir du milieu des années 1970 (TANGUY, 2002).
5 Cette demande sociale de services psychologiques s’exprime également dans les entreprises, où les méthodes
de gestion des carrières sont de plus en plus individualisées (passage d’une logique de « qualification » assise sur
des emplois stables et un environnement économique certain à une logique de « compétence » beaucoup plus
individualisée) et sur le marché externe du recrutement (développement des pratiques de coaching permettant au
salarié de faire un bilan de sa trajectoire lors des phases de transition professionnelle).
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