Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
lui est propre (…) le halo d’impression générale repose souvent sur des bases affectives. On
juge fréquemment l’intelligence et le caractère d’un homme selon son comportement à votre
égard ». On comprend que dans ces conditions, les tests psychotechniques tels que les conçoit
la méthode analytique perdent une bonne partie de leur valeur. Sur quel repère concret de
réussite professionnelle peuvent-ils s’appuyer dès lors que les évaluations fournies par les
supérieurs hiérarchiques ne sont pas fiables ? La question est en général éludée par les
psychotechniciens ou repoussée à des lendemains meilleurs, lorsque la méthode
psychotechnique aura elle aussi pénétré les méthodes de notation à l’école et dans la
profession : « Le classement professionnel, dont on peut, à bon droit, mettre en doute la
rigueur scientifique, n’est pas encore arrivé au point de perfectionnement où nous désirons le
conduire ; mais la possibilité que donne la méthode de poursuivre sans arrêt l’analyse du
travail par des techniques de plus en plus perfectionnées permet d’aboutir à une règle de
classement professionnel tout à fait objective. Lorsque nous aurons atteint ce but, nos
corrélations auront une valeur telle que nous pourrons établir sur des données certaines et
définitives, le coefficient applicable à chaque test dans le classement général » (Lahy, op. cit.,
p. 215). On touche ici aux limites de la méthode analytique qui, pour fonctionner
correctement, doit s’appuyer sur un univers lui aussi entièrement métrologisé, d’où les
prétentions hégémoniques de la méthode…
On comprend mieux alors l’importance que revêtait la docimologie (étude des
examens et des procédures d’évaluation) chez des psychologues comme Laugier et Piéron :
seules des méthodes de notation fiables et standardisées pouvaient donner un soubassement
solide aux méthodes psychotechniques 9 . Mais la principale difficulté de la méthode analytique
du point de vue de la professionnalisation de la psychotechnique ne réside pas dans cette
faiblesse théorique. Elle tient surtout au fait qu’elle reste « artisanale » et est de ce fait
difficilement généralisable. Il faut en effet établir, pour chaque métier, une batterie de tests
chaque fois spécifiques et difficilement transposables à d’autres activités. Elle donne lieu elle
aussi à de volumineuses professiographies détaillant les caractéristiques (physiques,
psychologiques, caractérielles etc.) nécessaires à l’exercice d’un métier donné. Les
psychologues s’appuient pour cela sur des listes de métiers irréductibles les uns aux autres,
9 Sur les nombreuses expériences de docimologie menées dans les années 1930, voir notamment LAUGIER,
PIERON et al. (1934) et les nombreuses notes consacrées par Piéron à ces questions dans ses « Chroniques
docimologiques du BINOP ». L’argument vise bien entendu à montrer la supériorité des évaluations
psychotechniques sur les évaluations scolaires, qui sont pour les auteurs pétries de subjectivité, mais surtout, elle
est la condition de la cohérence interne du système psychotechnique, en lui donnant prise sur une réalité
concrète.
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