Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Trois exemples illustreront notre propos sur ce point. A. T. 58 a obtenu son DESS en
1994. Elle occupe depuis cinq ans un emploi de psychologue dans le secteur de l’insertion (à
l’AFPA), où elle dit avoir désormais trouvé sa voie. Dès sa sortie du DESS, elle réalise que
« le monde de l’entreprise et en particulier le recrutement ne sont pas faits pour [elle] » : « je
ne voulais pas en faire parce que ça voulait dire sélectionner les gens, alors que j’étais plus
dans une optique d’accompagnement, puisque mon intérêt c’était quand même de comprendre
le fonctionnement des autres et de développer cet aspect-là. Donc au niveau du DESS, j’ai
plutôt axé sur le bilan de compétences… C’était en plein développement à cette époque là et
ça correspondait à mon parcours et à mon… A mon "moteur", quoi… ». En choisissant cette
voie, elle a toutefois le sentiment de se trouver en décalage par rapport à ses enseignants et
camarades de DESS qui valorisent davantage le monde de l’entreprise : « Ça a été une période
très difficile parce qu’entre ce que j’avais appris dans mon parcours et ma méconnaissance du
marché du travail il y avait… Enfin la formation était plus centrée sur le monde de
l’entreprise et moi je savais que je voulais pas aller là-dedans. Donc c’est petit à petit que j’ai
dû m’intéresser à l’insertion et c’est vrai que c’est quand même ce secteur là qui est le plus
porteur pour les psychologues femmes ». Si l’on retrouve cette opinion chez d’autres
psychologues, le choix de s’orienter vers le "social" plutôt que vers l’entreprise prend chez A.
T. une signification personnelle singulière dans la mesure où elle est entrée en contact avec la
psychologie par l’intermédiaire de son père, un cadre commercial qui a suivi une
psychothérapie à la suite d’un licenciement : « Et donc lui pendant tout ce temps-là il était en
démarche thérapeutique et moi ça m’a donné une ouverture, j’ai vu qu’il changeait, qu’il se
passait pas mal de choses, le divorce etc. Et donc voilà, j’ai été assez tôt éveillée par ce type
de choses. Bref bon voilà, je voulais faire des études de psycho pour mieux me connaître moimême,
les autres etc. ». A. T. déclare avoir initialement choisi de s’inscrire en psychologie
pour le versant clinique, option qu’elle a suivi jusqu’à la maîtrise. On voit donc que lorsque
elle se trouve face à une bifurcation, à un choix de carrière, elle mobilise non seulement des
attitudes acquises au cours du DESS (la valorisation du monde de l’entreprise) mais
également tout le répertoire d’attitudes acquises dans les phases antérieures de sa socialisation
(sa situation familiale, sa découverte de la psychologie clinique…), bref, tout un ensemble de
« (…) en analysant les expériences et les attitudes d’un individu, on accède toujours à des données et à des faits
élémentaires qui ne sont pas limités exclusivement à la personnalité de cet individu et peuvent donc être traités
comme de simples exemples de catégories plus ou moins générales de données et de faits, pouvant ainsi être
utilisés pour déterminer les lois du devenir social »
58 Entretien n°23, femme, psychologue à l’AFPA
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