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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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est analysée comme un travail idéologique, ou purement rhétorique, qui permet aux<br />

professions scientifiques 32 de défendre au mieux leurs intérêts en donnant de leur travail une<br />

image qui soit la plus conforme possible aux attentes du public. Les professions disposent<br />

ainsi d’une multitude de « répertoires » leur permettant de se présenter toujours au public sous<br />

le jour le plus favorable possible (c’est-à-dire leur permettant de gagner en autorité et en<br />

autonomie) :<br />

« Lorsqu’ils sont confrontés au public ou aux hommes politiques, les savants<br />

revêtent la science de caractéristiques qui sont de nature à promouvoir leur propre<br />

intérêts professionnels. Les savants ont à leur disposition un certain nombre de<br />

« répertoires culturels » disponibles pour construire <strong>des</strong> auto-<strong>des</strong>criptions<br />

idéologiques » (art. cit., p. 783).<br />

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

La principale ressource <strong>des</strong> professions dans le processus de professionnalisation<br />

réside dès lors dans la rhétorique, le travail de construction sociale qu’elles sont capables<br />

d’opérer, et non dans l’efficacité réelle <strong>des</strong> savoirs qu’elles mobilisent. Un voile d’idéologie<br />

s’interpose entre les professions et leur public.<br />

Un tel point de vue, qui s’intéresse uniquement à la dimension idéologique du<br />

discours professionnel, présente certaines limites qui ont déjà été soulignées à propos de<br />

Berlant (1976). Les mêmes remarques pourraient être faites au sujet de Larson (1977), dont le<br />

modèle n’intègre pas les changements affectant la sphère de production <strong>des</strong> savoirs euxmêmes.<br />

Ces changements sont toujours analysés dans la perspective d’une recherche de<br />

monopole, ou d’un pouvoir accru de la part <strong>des</strong> professions. La recherche de gratifications<br />

économiques est toujours à la source de la codification et de la standardisation <strong>des</strong> savoirs. Or<br />

cette sphère, bien qu’elle ne soit pas totalement à l’abri <strong>des</strong> déterminations sociales, présente<br />

néanmoins une certaine autonomie dans ses évolutions. Jacques Léonard (1981) le montre<br />

bien dans son ouvrage sur la médecine française au XIX e siècle et dans ses travaux ultérieurs.<br />

Dans un article de synthèse sur l’ouvrage de 1981, Léonard écrit :<br />

« L’histoire <strong>des</strong> sciences médicales commence par l’histoire de ceux qui conçoivent,<br />

enseignent et diffusent les sciences médicales. (…) Et l’histoire de l’information<br />

médicale englobe – cela va de soi – la peinture <strong>des</strong> milieux qui élaborent les<br />

publications et qui se disputent le consensus de la communauté scientifique<br />

médicale. Cela ne signifie pas que, pour l’historien, tout ce qui se produit dans un<br />

groupe social serait le pur produit de ce groupe social. L’originalité du travail du<br />

savant ne se dissout pas dans l’ambiance psycho-sociologique qui l’entoure. Décrire<br />

le conditionnement psycho-sociologique à fond se révèle nécessaire, indispensable,<br />

mais insuffisant » (1992, p. 242)<br />

32 GIERYN (art. cit., p 792) souligne dans sa conclusion que ce raisonnement peut être élargi à l’ensemble <strong>des</strong><br />

professions.<br />

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