Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

déterministe, les auteurs reliant l’apparition de nouveaux intitulés d’emplois à la
complexification technique qui entraîne une division du travail plus grande dans les
organisations. Après avoir défini un indicateur de « prolifération des intitulés d’emploi » 113 ils
montrent que cet indicateur s’accroît avec le degré de complexité technologique de
l’organisation considérée :
« la prolifération de titres se révèle plus importante dans les grandes organisations,
dans les environnements complexes et hétérogènes, et dans les organisations
supposant la mise en œuvre de qualifications spécifiques à la firme ».
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Les limites de la thèse techniciste sont toutefois évidentes. Dans un article ultérieur,
Strang et Baron (1990) montrent que la proportion d’hommes, de noirs et la présence de
syndicats expliquent bien mieux que la technologie la prolifération des intitulés au sein d’une
organisations. Les groupes sociaux constitués et disposant d’un capital social élevé –
notamment les professions – ont une plus grande capacité à imposer une normalisation des
intitulés, bases d’une mobilisation collective. De même, à en croire Gollac (2003), l’impact de
la révolution informatique sur les professions semble avoir été « globalement modeste » et ne
s’est que faiblement traduit par de nouvelles dénominations professionnelles. Ses effets sont
indirects et transitent toujours par l’organisation et les rapports de pouvoir au sein de celles-ci.
Il vient recomposer les contours des professions existantes plus qu’il n’en crée de
nouvelles 114 . On a ainsi vu décliner considérablement les effectifs de « sténo-dactylos » dans
les entreprises au cours des dix dernières années face à l’utilisation croissante de
l’informatique par les cadres, mais parallèlement le nombre de « secrétaires » n’a pas
diminué. Il s’est même accru en raison de la normalisation et de la rationalisation accrue des
activités de service et de soutien logistique au sein des firmes. Il est vrai que les secrétaires
ont toujours été davantage définies par le caractère polyvalent et flexible de leurs tâches que
par un contenu technique précis, ce qui expliquerait l’impact limité de l’informatisation sur ce
groupe professionnel. Dans le même ordre d’idées, Latreille (1984) avait montré à partir
d’une étude fine portant sur l’apparition de nouveaux intitulés d’emplois entre 1955 et 1973
que le facteur technologique expliquait au mieux 25% des nouvelles appellations d’emploi.
Dans plus de 55% des cas, elles recouvraient en réalité des métiers anciens avec un
éclatement déqualifiant des tâches ou à l’inverse avec regroupement de tâches auparavant
113 L’indicateur de prolifération de titres au sein d’une organisation est défini par Baron et Bielby comme le (log)
ratio du nombre d’intitulés d’emplois présents dans une organisation sur le nombre de codes différents auxquels
correspondent ces emplois dans le Dictionary of Occupational Titles (équivalent de notre code des PCS).
114 GOLLAC (2003, p. 188) estime à 30000 les emplois de l’informatique aujourd’hui, soit 1.5% de la population
active.
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