Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
La durée des études de médecine et la forte sélectivité de cette filière sont les deux
caractéristiques les plus fréquemment évoquées par les étudiants de psychologie, qui
envisagent rarement de consacrer plus de quatre années à leurs études supérieures 50 et qui, en
raison de leurs parcours antérieur (baccalauréat de philosophie pour les trois quarts d’entre
eux, sciences expérimentales pour 17% seulement) auraient certainement échoué dans des
études de médecine. Ces choix contrariés expliquent en partie qu’un grand nombre
d’étudiants en psychologie choisissent une spécialisation en rapport avec les métiers du soin,
espérant accéder par la psychologie à des fonctions proches de celles de médecin : contact
avec les patients, actions thérapeutiques, diagnostic de cas pathologiques… Oléron (1967, p.
337) met toutefois en garde ces étudiants (notamment les étudiantes), qui risquent de
s’exposer à de sérieuses déceptions : « (…) L’adoption de la psychologie comme substitut de
la médecine n’est pas sans inconvénients. La préférence pour la psychologie tient à la brièveté
et au caractère moins astreignant des études. Mais les étudiants qui se préparent à exercer
dans un cadre médical s’exposent à des désillusions sérieuses s’ils attendent un niveau de
rémunération et d’autorité comparable à celui du médecin ».
Jusqu’au milieu des années 1960, en effet, les psychologues exerçant en secteur
hospitalier œuvraient pour la plupart dans l’ombre des psychiatres où ils étaient confinés à des
tâches ingrates et répétitives de passation de tests, sans bénéficier d’aucun statut. Une enquête
réalisée par l’INSERM en 1968 51 auprès d’une population de psychologues cliniciens fait
ainsi apparaître que 65% d’entre eux sont employés à la vacation (pour une ou plusieurs
tranches de trois heures par semaine) dans les différents secteurs de la santé, de l’hygiène
mentale et de la protection de l’enfance. Environ la moitié des enquêtés (46%) se plaignent de
« l’absence de statut et de structure de la profession » et 36 % enfin évoquent « l’instabilité de
leur emploi et l’insuffisance de la rémunération ». On comprend dans ce contexte que la prise
de conscience du décalage entre les espérances et la réalité des statuts et des conditions de
travail fasse l’objet de désillusions particulièrement fortes, d’où l’émergence précoce de
revendications en faveur d’une protection du titre. La situation des psychologues cliniciens
vis-à-vis des médecins sera clarifiée par différentes mesures, notamment un décret de 1963
qui reconnaît officiellement l’existence d’une fonction de psychologue « parmi les
collaborateurs du corps médical exerçant dans le secteur public et semi-public, notamment les
toute façon dirigés vers la psychologie, 12% vers la psychiatrie (OLERON, 1967).
50 Une enquête complémentaire à celle d’Oléron (FRAISSE et CONSTANTIAL, 1967) montre qu’environ 60% des
étudiants en psychologie envisagent de ne pas poursuivre leurs études au-delà de la maîtrise.
51 Arch. SNP, s.c., « Enquête de 1968 réalisée par l’INSERM sur l’emploi des psychologues dans les
établissements hospitaliers et les services publics et semi-publics concourant à l’action sanitaire et sociale ».
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