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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

Une telle évolution, qui entraîne la « déprofessionnalisation » d’un <strong>des</strong> segments de<br />

la profession – la psychologie du travail – ne peut être comprise par une sociologie <strong>des</strong><br />

professions qui mettrait trop exclusivement l’accent sur les rapports de pouvoir et les<br />

déterminants sociaux <strong>des</strong> professions. Les approches néo-marxistes et néo-wébériennes se<br />

préoccupent en effet très peu <strong>des</strong> activités en voie de « déprofessionnalisation » : si les savoirs<br />

sont toujours <strong>des</strong> « rhétoriques », instrumentalisées par la profession dans une perspective de<br />

clôture de marché (néo-wéberiens), comment comprendre que la profession n’ait pas pu<br />

adapter sa rhétorique à <strong>des</strong> conditions changeantes ? De même, dans une perspective néomarxiste<br />

ou foucaldienne, comment comprendre qu’une profession aussi asservie au capital 50<br />

ou à l’Etat que peut l’être la psychologie du travail ait vu sa place décliner progressivement au<br />

sein de la psychologie ?<br />

Une explication univoque, en termes de déterminants sociaux, ne peut donc suffire à<br />

comprendre les évolutions internes de la psychologie du travail. Il est nécessaire de concevoir<br />

au contraire la sphère <strong>des</strong> savoirs comme le lieu d’évolutions relativement autonomes, qui ne<br />

sont pas la simple transposition, le simple reflet <strong>des</strong> rapports sociaux. De même, les besoins<br />

sociaux auxquels répond la profession sont le lieu d’une constante évolution. Les attentes et la<br />

« demande sociale » formulée à l’égard de la psychologie du travail se sont considérablement<br />

transformées au fil <strong>des</strong> décennies. Au départ outil de répartition rationnelle <strong>des</strong> individus dans<br />

la société, au service de la productivité, elle s’est transformée à partir <strong>des</strong> années 1970 en<br />

technique de gestion sociale du chômage, chargée de panser les plaies d’un marché du travail<br />

déficient.<br />

Le modèle d’explication que nous proposons pour comprendre les évolutions de la<br />

profession repose donc sur trois éléments indissociables : 1) un savoir en évolution<br />

permanente ; 2) une demande sociale en direction de la psychologie du travail ; 3) un groupe<br />

social porteur d’une expertise. Ces trois éléments sont étroitement interdépendants, mais<br />

chacun connaît néanmoins une temporalité et <strong>des</strong> évolutions qui lui sont propres et ne peuvent<br />

se ramener à un facteur explicatif unique. Le projet de Léonard pour étudier la profession<br />

médicale n’est pas différent :<br />

« On doit au moins distinguer trois protagonistes : les conceptions <strong>des</strong> intellectuels<br />

de la médecine, celles <strong>des</strong> praticiens de la médecine et celles <strong>des</strong> populations ; elles<br />

branche scientifique »<br />

50 Les analyses de ce type ont été particulièrement nombreuses dans les années 1950 et 1960. Voir notamment,<br />

sur l’exemple américain : BARITZ (1960) et NAPOLI (1981). Dans le cas français, <strong>des</strong> critiques marxistes de la<br />

psychologie du travail ont été formulées par FOUGEYROLLAS (1951), LE GUILLANT (1951), CANGUILHEM (1994<br />

[1957]), DELEULE (1969).<br />

64

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