Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

méthodes, mais aussi les syndicats de travailleurs et surtout le gouvernement : leurs auditoires
sont plus divers. C’est bien ce même esprit qui perdurera avec la professionnalisation de la
psychologie appliquée dans l’entre-deux-guerres, d’une part dans l’orientation professionnelle
et d’autre part dans les quelques usines qui mettent en place des services de psychotechnique
au lendemain de la guerre.
B. L’INSTITUTIONNALISATION DE LA PSYCHOLOGIE APPLIQUEE DANS LE CHAMP
SCIENTIFIQUE (1920-1939)
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Durant les deux premières décennies du XX e siècle, la psycho-physiologie du travail
avait été essentiellement l’affaire de quelques savants engagés politiquement, mais peu
soucieux d’imposer cette nouvelle discipline au sein de l’Université. Celle-ci se montre
d’ailleurs peu ouverte aux innovations et les psychophysiologistes ne trouvent pas dans les
structures anciennes – en particulier la Sorbonne ou les facultés de médecine – un cadre
adéquat à leurs recherches. Celles-ci se situent en effet au carrefour de différentes disciplines
– la physiologie, la physique, la psychologie, la philosophie, les statistiques – ce qui fait
obstacle à leur institutionnalisation dans l’université. Seules quelques institutions
« marginales », comme l’EPHE, le Muséum d’Histoire Naturelle (Institut Marey) ou le
CNAM réservent une petite place aux sciences du travail. La période de l’entre-deux guerres
marque de ce point de vue une rupture importante. Les universités, les pouvoirs publics et le
monde industriel commencent à s’intéresser aux applications de la psychologie, notamment
en matière d’orientation et de sélection professionnelle. Les premières expériences
d’orientation professionnelle constituent une occasion inédite de mettre en place à grande
échelle la vision défendue par Toulouse et Imbert d’une répartition plus « juste » des
individus selon leurs aptitudes. Le passage aux applications pratiques, toutefois, ne se fait pas
sans quelques concessions. Concessions scientifiques tout d’abord, puisque la
psychophysiologie du travail, qui s’était jusqu’alors montrée ouverte à un spectre très large de
disciplines se ferme peu à peu autour d’un nouveau savoir officiel plus étroitement codifié : la
psychotechnique, qui dispose de ses centres de recherches (l’EPHE, l’INOP et l’Hôpital
Henri-Rousselle), de ses associations savantes (l’Association Internationale de
Psychotechnique) de ses revues (La Revue de la science du travail, Le Travail humain, le
Bulletin de l’Institut National d’Orientation Professionnelle, l’Année psychologique) et de ses
pays, ni très précoce ni complètement satisfaisante ».
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