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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

maintient toujours à la fonction de receveur lorsque l’examen psychotechnique lui a été<br />

défavorable » 97 . Malgré ces garanties, la mesure est accueillie avec la plus grande réserve par<br />

les syndicats. D’une part parce que le passage du métier de machiniste à celui de receveur<br />

entraîne une diminution de salaire et un déclassement dans l’entreprise, ce que les<br />

conducteurs n’acceptent pas ; d’autre part parce les syndicats jugent la mesure arbitraire.<br />

Quelles garanties de neutralité le laboratoire de psychotechnique offre-t-il face à une<br />

évaluation qui se faisait autrefois par le jugement du chef immédiat, qui est le mieux placé<br />

pour connaître « ses » ouvriers ? Ceci d’autant plus que les tests mis en place par Lahy<br />

décomposent l’activité professionnelle en une multitude d’aptitu<strong>des</strong> différentes : un test pour<br />

mesurer les temps de réaction, un autre pour l’acuité visuelle, un autre pour la fatigabilité<br />

musculaire, un autre pour la dissociation du mouvement <strong>des</strong> mains etc. Cette représentation<br />

« analytique » de l’activité professionnelle ne satisfait pas les machinistes : ils préfèreraient<br />

une évaluation en situation de conduite, dans les bus ou les tramways eux-mêmes. Enfin, et<br />

c’est certainement là la critique la plus virulente, les syndicats se plaignent de ce que deux<br />

individus obtenant le même résultat à l’examen psychotechnique pourront l’un être maintenu<br />

dans son poste une année alors que l’autre sera éliminé l’année suivante, selon les besoins de<br />

l’entreprise en main d’œuvre. Qu’est-ce alors que cette prétendue objectivité de l’aptitude, qui<br />

place les mêmes personnes dans <strong>des</strong> positions différentes selon les fluctuations du marché du<br />

travail ? Cette dépendance du service de psychotechnique à l’égard <strong>des</strong> fluctuations de<br />

l’économie et du marché du travail apparaît sur le graphique II-3 (annexe 2), qui montre que<br />

l’activité du laboratoire a fortement chuté au plus fort de la crise, entre 1931 et 1936. Dans la<br />

même période, les taux d’élimination à l’entrée en apprentissage atteignent <strong>des</strong> niveaux<br />

jamais égalés d’environ 20% en 1930, 1932 et 1935 (Moutet, 2004, p. 88). C’est dire à quel<br />

point la neutralité du service psychotechnique est mise à mal. Le reproche est pourtant injuste<br />

aux yeux de Lahy : le laboratoire ne fait rien d’autre qu’établir un classement ordinal <strong>des</strong><br />

individus – le plus juste possible – et n’est en rien responsable <strong>des</strong> fluctuations du marché du<br />

travail : le niveau auquel va être placé le « curseur » qui partage la population entre « aptes »<br />

et « inaptes » relève de la seule responsabilité de l’entreprise et non du psychotechnicien.<br />

Cette position ambiguë <strong>des</strong> services psychotechniques ne se pose pas seulement à la<br />

STCRP. On la retrouve par exemple à l’usine Renault, qui met en place un laboratoire de<br />

psychotechnique en 1928, sous la direction d’un médecin formé à l’Institut de psychologie, le<br />

Dr Charles Perrot. Là aussi, le service sert rapidement de prétexte au licenciement de certains<br />

97 Arch. RATP, « Le laboratoire de psychotechnique. The right man in the right place », L’écho de la STCRP,<br />

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