Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

comprendra mieux alors, par l’identification de ces différents segments, le sens du travail
d’unification qui s’opère au début des années 1950 à travers la création d’un "diplôme d’Etat
de psychotechnicien" par le ministère de l’Education nationale.
1. Le modèle savant : l’A.P.P.D.
Le premier segment de la profession de psychotechnicien au tournant des années
1950 se caractérise par sa proximité avec le monde académique et l’identification à un modèle
de "service public". Ce qui prime ici est avant tout la compétence technique des praticiens et
leur équivalence avec des titres universitaires. Ce segment insiste aussi sur l’autonomie de la
psychotechnique vis-à-vis des demandes du monde commercial ou industriel, héritant par là
de la tradition psychotechnique de l’entre deux guerres, qui se veut d’une neutralité
irréprochable vis-à-vis des pressions du patronat ou des salariés.
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
a) Des professionnels « sérieux et diplômés »
Une association professionnelle : l’APPD – Association professionnelle des
psychotechniciens diplômés – est particulièrement représentative des orientations de ce
« modèle savant ». L’APPD a été créée en 1947, à l’initiative de Suzanne Pacaud, qui avait
mené des démarches auprès de Piéron dès 1946 en vue de protéger les psychotechniciens
« sérieux et diplômés » face à la multiplication « d’officines privées de psychotechnique » qui
prétendaient réaliser de la sélection de personnel sans formation scientifique préalable 30 .
Reuchlin fait état des mêmes préoccupations l’année suivante, dans un article resté célèbre sur
« Le métier de psychotechnicien : son objet, son organisation, sa morale professionnelle ». Il
écrit que « les psychotechniciens sont conscients du danger que font courir au public, et à leur
profession même, les charlatans qui usurpent leur titre et emploient des méthodes dépourvues
de toute valeur scientifique » (Reuchlin, 1948, p. 414). Au départ Piéron se montre
relativement méfiant, comme le rappelle l’une des fondatrices de l’association :
« Je me rappelle avoir présenté le projet à Piéron. D’abord il était un peu hésitant.
Disons qu’il y avait tellement de gens qui faisaient parler d’eux, qui n’avaient
aucune formation en psychologie mais qui disaient faire du recrutement en disant
qu’ils faisaient de la psychologie, qu’il craignait un petit peu qu’on prenne ces genslà
dans l’association. (…) Mais je me rappelle que nous lui avions apporté une liste
de gens que nous pensions toucher pour les premières réunions de l’association, et
voir COLLINS (1990, p. 18) et EVETTS et SVENSSON (2003, p. 6). Voir également la distinction faite par WEBER
(1995 [1971], p. 202) entre « métiers obligatoires » où la « contrainte se fait par recrutement obligatoire dans le
cadre d’un groupement princier, étatique, seigneurial ou communal » et le modèle du « libre choix du métier »
caractérisé par « l’offre couronnée de succès de prestations professionnelles sur le marché du travail ou par
acceptation de candidature pour un poste "libre" »
30 Voir sur ce point Arch. Piéron 520 AP 12 – correspondance entre Pacaud et Piéron, lettre reproduite document
II-1, annexe 2.
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