Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Alfred Rosier d’une structure parallèle à l’INOP 21 , destinée non pas à l’orientation des élèves
issus des ordres d’enseignement primaire et technique, mais à ceux de l’enseignement
secondaire et supérieur : le BUS (Bureau Universitaire de la Statistique), qui deviendra
l’ONISEP en 1970 22 . Il y aura là un autre foyer de diffusion de la psychologie appliquée en
France, construit sur des bases sensiblement différentes de celles en vigueur à l’INOP et
partiellement en concurrence avec cet organisme 23 . Après cette phase de balbutiement, les
années 1950 verront se multiplier les applications de la psychotechnique en direction des
cadres, en s’appuyant sur les batteries de tests construites par Bonnardel 24 , mais également sur
les nombreux tests de personnalité importés des Etats-Unis au cours de cette période.
En dépit des progrès réalisés, un certain nombre de problèmes techniques ne sont
toujours pas résolus, ce qui freine la diffusion de la méthode et ouvre la voie à des professions
concurrentes sur le marché de l’évaluation et de la sélection professionnelle (graphologues et
ingénieurs principalement). D’une part, les méthodes d’analyse factorielle permettent
d’éliminer les tests qui mesurent éventuellement le même facteur, mais elle ne règle pas le
problème de la corrélation entre les tests et les critères de réussite professionnelle du candidat.
La nouvelle méthode, telle qu’elle est proposée par Bonnardel, suppose en effet de s’appuyer
– comme la précédente – sur des notations professionnelles dont on a vu l’extrême fragilité 25 :
« La note psychométrique est établie progressivement (…) d’une part à l’aide de
recoupements avec les résultats professionnels (…) d’autre part, en utilisant les méthodes
d’analyse factorielle pour dégager le groupement des tests et apprécier les saturations des tests
dans les facteurs mis en évidence » (Bonnardel, 1948). D’autre part, si le passage aux
analyses factorielles et aux tests mentaux permet une certaine industrialisation de la méthode
psychotechnique, elle tend à détourner celle-ci du projet social humaniste qui l’animait dans
"rationnelles" (voir HUTEAU et LAUTREY, 1979, pp. 6-7).
21 La prise de conscience des problèmes posés par le chômage des intellectuels et « l’encombrement des
professions libérales » émerge progressivement au tournant des années 1930, sous l’impulsion notamment des
ouvrages de GOBLOT (1925) et ROSIER (1934).
22 Sur l’histoire du BUS et de la place de la psychologie différentielle au sein de cet établissement voir DANVERS
(1990)
23 Il y eut en particulier une querelle très vive dans les années 1950 entre Piéron et Rosier sur la question de
savoir qui, des psychologues du BUS ou des conseillers d’orientation professionnelle titulaires du diplôme
d’Etat, était habilité à assurer l’orientation des élèves des lycées. Sur ce point voir Arch. INOP "Fonds André
Caroff, A4.1 – Statut des conseillers-psychologues"
24 Pour un exemple des applications de la méthode Bonnardel au public des cadres, voir l’ouvrage d’une élève de
Bonnardel : Madeleine LAVOËGIE, 1974, La sélection des cadres (coll. « Que Sais-je ? »)
25 BONNARDEL (1946) s’était lui-même livré à des études docimologiques sur les notations professionnelles et
avait montré la difficulté d’établir une notation de type analytique, qui distingue clairement différents critères
d’évaluation. Un "effet de halo" semble au contraire jouer très fortement dans toutes les évaluations réalisées par
les supérieurs hiérarchiques en entreprise, ce qui rend difficile la mesure de corrélations entre des tests et des
notes professionnelles situées sur des plans différents.
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