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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

génération de présidents incarnant eux aussi les idéaux de méritocratie et d’ascension sociale<br />

de la nouvelle classe moyenne américaine (G. Stanley Hall à Chicago, Charles W. Eliot à<br />

Harvard…) 38 . Ces universités (Clark University, Chicago University, Stanford, John<br />

Hopkins...) abritent un nombre croissant d’« écoles professionnelles » (professional schools)<br />

qui développent <strong>des</strong> cursus de formation nettement plus spécialisés et appliqués que ceux qui<br />

avaient cours dans les anciens Colleges, tout en maintenant les principaux éléments d’une<br />

culture humaniste. Mais l’objectif est bien de créer une nouvelle catégorie d’experts,<br />

d’« hommes pratiques » animés par le culte de l’efficience et capables de transposer dans un<br />

certain nombre de registres pratiques les connaissances scientifiques. Ce modèle présente <strong>des</strong><br />

affinités certaines avec l’idéologie libérale américaine. En arrière-plan, se trouve le modèle du<br />

travailleur « libre », qui va faire reconnaître une expertise certifiée sur un marché. Mais pour<br />

que le marché fonctionne, il faut précisément que l’information sur les qualités individuelles<br />

soit suffisante, donc que la certification construise un dispositif de confiance suffisamment<br />

solide. Comme le note Rossi<strong>des</strong> (1998, p. 38) :<br />

« Armé de son savoir, le professionnel est un individu vraiment libre, indépendant et<br />

autonome, et par conséquent en harmonie avec un thème central de la culture<br />

américaine »<br />

La référence à un savoir spécialisé et appliqué, acquis au terme d’une longue<br />

formation supérieure, se trouve donc dès l’origine au cœur de la définition américaine <strong>des</strong><br />

professions. Tout au long du XX e siècle, et plus particulièrement après 1945 39 , ce modèle du<br />

« professionnalisme » va donner le cadre au sein duquel les différentes couches de la société<br />

américaine vont traduire leurs revendications et leurs stratégies d’ascension sociale. De<br />

nombreuses occupations (travailleurs sociaux, bibliothécaires, conseillers d’orientation…)<br />

vont ainsi revendiquer un statut analogue à celui <strong>des</strong> professions établies, en s’appuyant<br />

souvent sur les modèles fournis par les sociologues eux-mêmes 40 . En France, au contraire, un<br />

mouvement ouvrier politico-syndical solidement structuré dès le début du XX e siècle va<br />

donner aux classes moyennes un cadre radicalement différent pour exprimer leurs<br />

revendications (Chapoulie, art. cit., p. 99-100) et favorisera l’émergence dans l’entre-deuxguerres<br />

d’un syndicalisme de classes moyennes. Par ailleurs, comme l’a montré Kramarz<br />

38 BLEDSTEIN (1976, p. 129) qualifie cette génération de présidents d’université de « porte-parole idéologiques<br />

d’une classe moyenne en expansion ».<br />

39 Aux Etats-Unis, la distinction entre les « professions », autorisées à s’organiser au sein d’associations<br />

professionnelles et les « occupations », relevant de formes d’organisations syndicales adhérant au principe du<br />

« collective bargainig », sera juridiquement sanctionnée par le Taft Hartley Act de 1947 (Tripier, 1991, p. 30).<br />

40 Citons par exemple le cas d’E Hughes et de W. Goode, tous deux sollicités par l’American Psychological<br />

Association au cours <strong>des</strong> années 1950 sur <strong>des</strong> questions de déontologie et d’organisation professionnelle.<br />

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