Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

« On n’est pas là pour dire aux gens « c’est bien ou c’est pas bien ce que vous
faites ». Enfin il me semble. On est plus dans l’aide et le respect. Notre travail, c’est
plutôt de respecter le cheminement de la personne. Moi je trouve bien que les
personnes puissent nous dire ce qui va vraiment pas… » (entretien n°24, femme,
psychologue du travail à l’AFPA)
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
la conséquence d’une telle attitude est qu’elle tend à produire chez les sujets ce que
les psychologues sociaux appellent une norme d’"internalité" 28 , c’est-à-dire qu’elle reporte sur
l’individu et ses troubles personnels les raisons de ses échecs (perte d’emploi, problèmes de
formation, d’insertion…). L’idée de "redynamiser" ou de "renarcissiser" les demandeurs
d’emploi traduit finalement une perception du chômage comme déficit, comme pathologie
individuelle et contribue dès lors à brouiller les frontières du normal et du pathologique. Il
arrive d’ailleurs que des personnes rencontrées dans le cadre d’une mission d’insertion ou
d’aide à la recherche d’emploi soient redirigées vers des services de type
psychothérapeutique, parfois de manière abusive comme on le voit dans le cas suivant,
signalé à la CNCDP (Commission nationale du code de déontologie des psychologues) 29 :
Encadré 3 –Chômeur ou malade ? 30
« Le requérant, chômeur de longue durée, a été orienté par son agence ANPE vers
une association d’aide à l’insertion professionnelle. Il y a rencontré régulièrement
lors d’entretiens individuels une psychologue, responsable de l’association, qui
devait l’aider, "à trouver et élaborer un projet professionnel". Au cours d’un des
entretiens, la psychologue lui annonce qu’elle est "psychanalyste" puis lors de
l’entretien suivant, le requérant se voit proposer des séances de psychanalyse dont il
accepte le principe. Ces séances, réglées en espèces, se déroulent dans les locaux
d’une autre association. Elles n’ont pas donné lieu, précise le demandeur, à
l’établissement de reçus. La psychologue l’invite ensuite à se porter candidat à un
stage de recherche d’emploi qu’organise l’association d’aide à l’insertion
professionnelle. Cette candidature est refusée et dès lors le requérant cesse ses
séances. Il ne parvient pas ensuite à obtenir de la psychologue une attestation
confirmant la tenue de ces séances et un reçu attestant des versements effectués. Sur
le conseil d’un syndicat de psychologues, une médiation a été proposée à la
psychologue qui l’a refusée.
Le requérant interroge la Commission afin de savoir si, d’après les faits qu’il
rapporte dans sa lettre, le comportement de la psychologue est "normal dans le cadre
de ce qu’elle me faisait penser être une psychanalyse". Le requérant doute, en outre,
de la pertinence du traitement psychothérapeutique qu’il a suivi et reproche à la
psychologue de ne pas l’avoir informé qu’il existait des possibilités de bénéficier
d’un suivi psychothérapeutique pris en charge »
La réponse apportée par la CNCDP sur ce cas fut double : elle estima d’une part
que le psychologue devait rester libre des techniques utilisées et des démarches
entreprises et que s’il l’estimait nécessaire, une démarche psychothérapeutique
pouvait être adaptée à une situation de recherche d’emploi. Elle estima toutefois le
28 JOULE et BEAUVOIS (1987). La norme d’externalité conduit à l’inverse à attribuer la source de ses échecs aux
conditions de l’environnement extérieur (chômage…).
29 La CNDCP, rattachée à la FFPP (Fédération française des psychologues et de la psychologie) est l’organisme
chargé de veiller à l’application du code de déontologie des psychologues.
30 Avis de la CNDCP, Dossier n°01-04, 2001.
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