27.12.2013 Views

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

transformant en denrées parfaitement substituables définies par <strong>des</strong> aptitu<strong>des</strong> standardisées.<br />

De passif, le travailleur devient actif : il construit sa propre trajectoire, <strong>des</strong>sine les contours de<br />

son poste de travail : en un mot, il devient autonome 8 .<br />

c) La levée <strong>des</strong> tabous : la loi sur la formation professionnelle (1971) et<br />

sur le bilan de compétences (1991)<br />

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

Deux lois marqueront plus particulièrement le passage en France d’une conception<br />

du travail comme malédiction à celle du travail comme "œuvre" et source d’accomplissement<br />

personnel : il s’agit de la loi de 1971 sur la formation professionnelle et de celle de 1991 sur<br />

le bilan de compétences. Ces deux lois lèvent tour à tour le tabou qui avait jusqu’alors<br />

consisté à séparer nettement l’économique du social, en faisant du travail un espace<br />

d’épanouissement personnel et non plus une épreuve douloureuse. La question n’est dès lors<br />

plus de disposer <strong>des</strong> droits, <strong>des</strong> qualifications ou d’un ensemble d’attributs objectivables<br />

nécessaires à l’occupation d’un emploi, mais de manifester un certain nombre de dispositions<br />

éthiques, personnelles, psychologiques, favorisant l’épanouissement au travail (ou le retour<br />

vers celui-ci lorsqu’on en est privé).<br />

La thématique de "l’éducation permanente", qui se développe au début <strong>des</strong> années<br />

1970 est symptomatique de ces évolutions. La loi de 1971 sur la formation professionnelle,<br />

qui oblige les entreprises à financer la formation continue de leurs salariés, affiche au départ<br />

deux ambitions : elle doit premièrement « permettre l’adaptation <strong>des</strong> travailleurs au<br />

changement <strong>des</strong> techniques et <strong>des</strong> conditions de travail », et deuxièmement « favoriser leur<br />

promotion sociale par l’accès aux différents niveaux de la culture ». On voit immédiatement<br />

que ces deux objectifs sont censés s’épauler mutuellement dans une cercle vertueux : les<br />

désirs profonds <strong>des</strong> travailleurs en termes de promotion, de reconnaissance sociale,<br />

d’accomplissement de soi dans le travail s’accordent naturellement avec les besoins qu’ont les<br />

entreprises d’une main d’œuvre qualifiée et au fait <strong>des</strong> évolutions technologiques. Le discours<br />

du "changement" est le principal point d’articulation entre ces deux objectifs : changement de<br />

soi dans l’épreuve du travail, censée révéler les potentialités de chacun, changement de<br />

l’entreprise qui doit se positionner sur <strong>des</strong> marchés toujours plus concurrentiels et faire preuve<br />

de souplesse et d’adaptation. Le point de vue <strong>des</strong> sociologues eux-mêmes sur le travail se<br />

transforme à partir de la fin <strong>des</strong> années 1970 : l’entreprise devient un support identitaire dans<br />

les travaux de Sainsaulieu (1977), alors que ceux de Dubar (1991, 1992) insistent sur le rôle<br />

8 Sur les conséquences de cette évolution sur la sociologie du travail en France, voir PARADEISE (2003).<br />

452

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!