Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

« question sociale » et de la nécessité d’arbitrer d’une manière neutre et scientifique dans les
conflits entre capital et travail.
2. Conditions d’émergence de la psychologie industrielle aux Etats-Unis :
le marché
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Les conditions sociales qui président à l’émergence de la psychotechnique en France
rendent inadéquat le modèle de la conquête de marché, pour la simple raison qu’il n’existait
pas, jusqu’à une période assez tardive, de véritable « marché » des services qui pouvaient être
offerts par les psychologues du travail compte tenu du maintien d’un tissu économique rural
et artisanal. On peut par contraste examiner la situation des Etats-Unis, où une grande
industrie se développe dès la fin du XIX e siècle, créant les conditions favorables à la diffusion
des techniques de la psychologie industrielle. Le parcours de Hugo Münsterberg (1863-1916)
illustre particulièrement bien la manière dont la jeune discipline s’institutionnalise et se
codifie progressivement aux Etats-Unis, en vue d’offrir aux industriels de véritables
« produits » psychologiques pouvant donner lieu à des applications pratiques. Né à Danzig en
1863, Münsterberg obtient son doctorat sous la direction de Wilhelm Wundt en 1885, à
Leipzig, où il s’initie à la psychologie expérimentale. En 1892, il est appelé par William
James à Harvard pour s’occuper du laboratoire de psychologie expérimentale. Il s’y consacre,
pendant une quinzaine d’années, à des travaux de recherche ne donnant lieu à aucune
application pratique (étude de l’attention, de la concentration, de la vue, de l’ouïe, des
mouvements etc.), dans l’esprit de ce qui se pratiquait alors au laboratoire de Wundt. Son
intérêt pour la psychologie appliquée s’éveille progressivement entre 1900 et 1910 d’abord
dans le domaine judiciaire (1908), puis de la psychologie industrielle (1913). Son souci
d’étendre les applications de la psychologie à l’industrie tient en grande part à la diffusion des
méthodes tayloriennes dans l’industrie américaine au cours de la période 1900-1910. A la
différence de J.-M. Lahy en France quelques années plus tard 11 , Münsterberg ne remet pas
radicalement en cause les fondements de la méthode de « direction scientifique » proposée par
Taylor. Il voit même dans la psychologie industrielle un prolongement nécessaire de ce
système, auquel elle peut apporter certaines améliorations 12 . Münsterberg reproche à Taylor
de construire ses méthodes de décomposition des tâches sur un individu idéal, sans souci des
variations des aptitudes individuelles : la psychologie a là un rôle à jouer, en permettant
l’affectation optimale des individus aux différentes tâches, selon leurs aptitudes individuelles.
11 Voir LAHY (1916)
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