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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

travail et la nécessité d’orienter chaque individu vers un métier différent de celui que lui<br />

désignaient « naturellement » ses origines familiales 1 . Les transformations ultérieures de la<br />

psychotechnique que nous avons décrites serait dues elles aussi à la transformation <strong>des</strong><br />

emplois productifs, qui ne feraient plus tant appel à <strong>des</strong> aptitu<strong>des</strong> physiologiques ou<br />

psychologiques (entre-deux guerres) qu’à <strong>des</strong> compétences sociales (années 1950-1960) ou<br />

cliniques (à partir <strong>des</strong> années 1970). Ce récit va toutefois à l’encontre de la réalité empirique<br />

puisque contrairement à la thèse fonctionnaliste d’une coïncidence entre rationalisation et<br />

professionnalisation, on observe davantage, tout au long de la période qui nous intéresse, une<br />

« déprofessionnalisation » de la psychologie du travail et <strong>des</strong> luttes entre diverses professions<br />

(graphologues, médecins, gestionnaires <strong>des</strong> ressources humaines…) pour le contrôle du<br />

territoire de l’orientation professionnelle. En outre, comme on l’a vu, l’approfondissement <strong>des</strong><br />

métho<strong>des</strong> proposées par la discipline ne va pas dans le sens d’une rationalisation croissante<br />

mais plutôt d’un abandon d’un schéma scientifique au profit de la mise en avant <strong>des</strong><br />

compétences « cliniques » <strong>des</strong> praticiens.<br />

Les sociologies du « monopole » (Larkin, 1976 ; Larson, 1977) se révèlent tout aussi<br />

inadéquates pour décrire la dynamique de la psychologie du travail. D’une part, comme dans<br />

le cas <strong>des</strong> avocats étudié par Karpik (1995), on ne constate chez les psychologues du travail<br />

aucune tendance vers la monopolisation ni la fermeture de marché, sauf au cours d’une<br />

période assez brève, celle de « l’âge d’or » de la psychotechnique dans les années 1950, qui se<br />

solde d’ailleurs par un échec (chapitre IV).<br />

L’inadéquation de ces grilles d’analyse pour écrire l’histoire de cette profession tient<br />

en grande part au rôle joué par l’Etat, plus particulièrement les politiques publiques<br />

d’orientation professionnelle, dans sa structuration. A la différence de ce qui s’est produit aux<br />

Etats-Unis, elle ne s’est pas développée sur un marché « ouvert » de services psychologiques<br />

en direction <strong>des</strong> entreprises ou <strong>des</strong> travailleurs, mais au sein même de l’Etat. Cette spécificité,<br />

que la France partage avec l’Allemagne 2 , apparaît d’abord à travers le paradigme<br />

psychophysiologique autour duquel s’est nouée la discipline au début du siècle, qui se<br />

présente davantage comme un amibitieux projet de règlement de la « question sociale » que<br />

comme un ensemble de recettes <strong>des</strong>tinées à améliorer la productivité <strong>des</strong> entreprises. Au cours<br />

<strong>des</strong> Trente glorieuses, ce projet trouve son prolongement dans les politiques d’orientation et<br />

1 Ce besoin d’orientation trouve lui-même son origine dans <strong>des</strong> facteurs économiques (la mobilité sociale<br />

structurelle entraînée par les transformations du tissu économique) et <strong>des</strong> facteurs politiques (idéal de juste<br />

répartition <strong>des</strong> individus dans la structure sociale).<br />

2 Voir RABINBACH 1992 [1990]<br />

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