Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
dans l’héritage du sensualisme : c’est le cas de la phrénologie de Franz-Joseph Gall (1758-
1828), qui tente de relier les facultés mentales et le fonctionnement de l’esprit humain à la
configuration matérielle du cerveau 84 . D’autres s’inscrivent davantage dans l’esprit
romantique de l’époque : on songe par exemple à l’électro-psychologie de l’écossais James
Braid (1795-1860), qui propose une nouvelle interprétation des phénomènes d’hypnose,
fondée sur l’idée que ce sont les fonctions physiologiques internes du sujet, et non un fluide
externe, qui provoquent l’hypnose ; on songe aussi à la psychologie éclectique et spiritualiste
de Victor Cousin (1792-1867) et de Théodore Jouffroy (1796-1842), qui prônent le recours à
l’introspection et l’observation intérieure de l’esprit par lui-même 85 .
Ces différentes théories, qui représentent à bien des égards le « côté obscur » du
savoir médical, suscitent l’intérêt de nombreux médecins, mais n’en demeurent pas moins en
marge de la médecine officielle. La psychologie n’est pas enseignée en tant que telle dans les
facultés de médecine, qui restent tournées vers ces deux disciplines phares que sont la
physiologie et l’anatomie. C’est donc principalement au sein de la philosophie classique
universitaire que la psychologie trouvera sa place au cours du XIX e siècle, à travers les
enseignements de philosophes comme Laromiguière (1756-1837), héritier de Condillac, Elme
Caro (1826-1887), Paul Janet (1823-1899) 86 ou Adolphe Garnier (1801-1864) 87 . Un
enseignement de psychologie sera même en vigueur dans l’enseignement secondaire à partir
de 1832, grâce à l’action de Victor Cousin au ministère de l’Instruction publique. Mais,
comme le note D. Nolen dans sa préface à l’édition française de l’œuvre de Wilhelm Wundt
(op. cit., p. XII) il s’agit là d’une psychologie essentiellement métaphysique et spiritualiste,
qui ne s’est pas encore engagée dans les voies de la science. Elle s’inscrit directement dans la
tradition de la psychologie morale de Maine de Biran et de Cousin, qui prend l’étude des états
d’âme, des humeurs et du sens intime comme point de départ de toute investigation
psychologique :
« (…) la psychologie de ces auteurs est surtout une théorie de la connaissance et une
métaphysique de l’âme, une étude des lois de la connaissance et du principe pensant.
C’est à démontrer la liberté et l’unité du moi, et la valeur des vérités a priori qu’une
84 Sur la phrénologie de Gall, voir GIERYN, op. cit. et LEONARD (1981, p. 112-114)
85 La psychologie spiritualiste de Victor Cousin fera l’objet des plus vives critiques d’Auguste Comte dans sa
première leçon du Cours de philosophie positive. Chez Comte, l’idée que l’esprit humain puisse s’observer luimême
est une absurdité. Il ne peut s’étudier qu’à travers ses actes et ses manifestations collectives, visibles dans
la marche de l’histoire, d’où l’importance accordée à la sociologie par Comte. La position des Idéologues, qui
ramenaient l’esprit à ses conditions matérielles, apparaît tout aussi absurde aux yeux de Comte. Seule la
phrénologie de Gall était appelée à occuper une place dans son système des sciences, car si Comte récusait les
fondements de la psychologie, il ne condamnait pas pour autant l’étude physiologique des organes intellectuels.
86 Paul Janet, psychologue spiritualiste, est l’oncle du célèbre psychopathologiste Pierre Janet (1859-1947).
87 NICOLAS, op. cit., 2002, pp. 35-37
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