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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

comme le véritable père de la psychologie du travail française 26 et son influence sur la<br />

discipline restera considérable jusqu’aux années 1960. D’origine mo<strong>des</strong>te et autodidacte 27 ,<br />

Lahy entre au laboratoire d’Edouard Toulouse à Villejuif comme élève en 1902, où il se<br />

consacre d’abord à <strong>des</strong> travaux purement physiologiques sur la mesure de la pression<br />

sanguine (1902) et sur les procédés d’enregistrement graphiques, dans la continuité directe<br />

<strong>des</strong> travaux de Marey. Il travaille aux côtés de Henri Piéron, qui n’a alors que 22 ans et de<br />

Nicolas Vaschide, un ancien collaborateur de Binet. Il est très probable que Lahy s’initie à<br />

cette occasion à la psychologie expérimentale d’inspiration allemande, que Toulouse, Piéron<br />

et Vaschide diffusent dans un ouvrage à la même période (1904). A la différence de Lahy<br />

toutefois, ceux-ci n’appliqueront pas leurs métho<strong>des</strong> aux questions du travail, et surtout, ils<br />

n’auront pas le même souci que lui de transposer les techniques du laboratoire dans les<br />

milieux de travail eux-mêmes. En effet, dans la conception de Lahy, comme dans celle<br />

d’Armand Imbert, c’est le laboratoire qui doit aller vers le travailleur et non l’inverse. Il serait<br />

vain de vouloir étudier le travailleur in abstracto dans un laboratoire, car cette méthode fait<br />

disparaître toute la richesse <strong>des</strong> interactions entre le travailleur et son milieu :« (…) il ne<br />

s’agit pas d’étudier l’activité humaine dans les conditions ordinaires du laboratoire, mais dans<br />

un milieu déterminé, le milieu de travail. Au lieu de transporter l’ouvrier en travail dans le<br />

laboratoire et d’assimiler son activité ainsi déformée au travail habituel, il faut transporter<br />

l’outillage scientifique convenable dans l’atelier » (Lahy, 1916, p. 191). Plus loin il poursuit :<br />

« Nous sommes persuadé que les conditions extrinsèques du travail, la hâte, les émotions qui<br />

l’accompagnent, l’ennui, le rythme imposé, la contrainte morale, sont <strong>des</strong> causes qui<br />

échappent aux recherches de laboratoire et qui déterminent les accidents les plus graves pour<br />

le travailleur » (ibid., p. 191-192). Ces principes seront mis en œuvre par Lahy dans ses<br />

recherches menées dès 1908 sur les conducteurs de Tramways. A la différence de la plupart<br />

de ses contemporains qui tentent de reproduire de façon analytique les gestes professionnels<br />

26 Pas uniquement française d’ailleurs : Lahy a également exercé une grande influence en Europe de l’Est et en<br />

Amérique du Sud. L’Association Internationale de Psychotechnique, dont il fut le secrétaire général pendant<br />

toute la période de l’Entre-deux-guerres, fut un instrument efficace de diffusion de ses idées. La faible<br />

implication <strong>des</strong> Américains au sein de cette association durant l’entre-deux-guerres montre bien la conception<br />

différente qu’ils avaient du rôle que devait jouer la psychologie industrielle.<br />

27 Le parcours de Lahy avant son entrée au laboratoire d’ Edouard Toulouse demeure un mystère. La biographie<br />

que lui ont consacrée J. GIRAULT et M. TREBITSCH dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier<br />

français lui prête une carrière de commis <strong>des</strong> postes ; d’autres affirment qu’il aurait été percepteur d’impôts :<br />

autant d’activités qui étaient en tout cas sans lien direct avec la physiologie. TURBIAUX (1982) et VATIN (1999)<br />

suggèrent que c’est son engagement syndical ou sa participation active à la franc-maçonnerie qui ont pu conduire<br />

Lahy vers la psychophysiologie, dans la mesure où la franc-maçonnerie cherchait depuis les années 1890 une<br />

issue scientifique à la question sociale et s’intéressait par conséquent aux questions du travail, afin de contrer la<br />

politique de l’Eglise en direction du monde ouvrier depuis l’Encyclique de Léon XIII Rerum Novarum (1891).<br />

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