Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
des psychologues s’est considérablement transformé en l’espace d’un demi-siècle. Assis au
départ sur la méthode des tests et la psychotechnique, leur rôle se tourne davantage
aujourd’hui vers l’aide aux personnes et le soutien thérapeutique. Leur quotidien est
désormais d’écouter, de parler, d’aider les individus à dénouer leurs problèmes intimes, dans
les situations pathologiques comme dans les situations plus « normales » de la vie quotidienne
(difficultés scolaires, entretien d’embauche, aide à la recherche d’emploi…). L’État lui-même
devient de plus en plus empathique dans sa gestion des problèmes sociaux, comme en
témoigne la création en mars 2004 d’un « Secrétariat d’État aux Droits des victimes ». Lors
des crises, attentats ou accidents, des « cellules d’urgence médico-psychologiques » sont
dépêchées pour permettre aux victimes de soigner leurs plaies psychiques 6 . Mais on voit aussi
de plus en plus les psychologues s’imposer comme des acteurs incontournables dans la
gestion de certaines questions sociales comme le chômage, l’insertion des jeunes, la santé au
travail ou le traitement de la délinquance 7 .
LA PSYCHOLOGIE : UN OBJET DE RECHERCHE DELAISSE PAR LES SOCIOLOGUES
Face à la force de ce nouveau discours, il n’y a guère plus que les sociologues pour
s’élever contre les dangers d’une psychologisation accrue des problèmes sociaux. Cette
critique se développe toutefois sur fond de grande confusion. Le terme de
« psychologisation » apparaît comme un fourre-tout commode qui embrasse un ensemble de
situations sociales, de disciplines ou de techniques plus ou moins bien établies sur le plan
scientifique (le coaching, la psychologie du travail, les « nouvelles thérapies »…). La
confusion est également fréquente entre les diverses professions « psy- » (psychologue,
psychiatre, psychothérapeute, psychanalyste), alors que celles-ci ont des histoires, des formes
d’organisation et des pratiques radicalement différentes 8 . Dans le champ des professions
« psy- », celle qui s’est structurée le plus tôt est la psychiatrie, qui s’est développée comme
une branche de la médecine dans la première moitié du XIX e siècle, avec la naissance de
l’institution asilaire (loi de 1838). Elle est toujours restée dans le giron de la médecine, dont
elle est aujourd’hui une spécialité. La psychologie apparaît quelques décennies plus tard, à la
fin du XIX e siècle, alors qu’elle tente de se tirer de la gangue de la philosophie idéaliste pour
se développer comme une science expérimentale, en suivant le modèle de la physiologie et de
la biologie. Contrairement à la psychiatrie, elle ne traite pas uniquement des cas
6 Voir BOLTANSKI (1993).
7 Les différents champs d’exercice de la psychologie sont présentés dans le tableau III-2, annexe 3.
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