Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
On voit donc que pour comprendre l’évolution de la psychologie en milieu scolaire,
trois éléments doivent être pris en compte simultanément : 1) un glissement de paradigme, qui
se traduit par le passage d’une psychologie expérimentale à une psychologie clinique 2) une
évolution du « besoin social » auquel répondent les psychologues qui tient à une évolution
externe à la profession (la généralisation de l’accès des élèves aux premiers cycles
universitaires) 3) les évolutions internes de la profession de psychologue, caractérisée par un
déclin relatif des segments « expérimentalistes » face aux segments cliniciens.
On pourrait objecter à notre argumentation que la psychologie clinique est tout aussi
« scientifique » que la psychologie expérimentale puisqu’elle induit nécessairement elle aussi
une certaine dose de codification et de rationalisation. Elle ne laisse pas le champ entièrement
libre à la subjectivité et à l’intuition du psychologue : elle s’appuie sur des types idéaux, des
méthodes éprouvées, des procédés d’enregistrement et de mesure, parfois même des tests
cliniques comme le TAT (Thematic Aperception Test) ou le test de Rorschach (test des
« tâches d’encre ») etc. Ainsi, la collecte des faits pertinents et leur ordonnancement occupent
une place primordiale dans l’activité du clinicien. Cette collecte n’est pas aléatoire, mais
organisée selon des principes de rationalité qui tiennent aux savoirs psychologiques acquis par
les intéressés au cours de leur formation. Les psychologues cliniciens ne disent pas autre
chose lorsqu’ils insistent sur l’importance du « regard psychologique » dans leur travail,
regard qu’ils n’ont pu acquérir qu’au contact des différentes théories psychologiques, telle
cette psychologue de l’AFPA (Association pour la Formation Professionnelle des Adultes) :
« J’ai quand même l’impression que par rapport aux conseillers de l’ANPE on
apporte une dimension psychologique qui est différente. Je crois que des fois on a
une perception plus rapide, plus vive des personnes qui sont en face de nous, surtout
des gens en difficulté. Moi ils m’envoient des personnes qui visiblement sont en
dépression, en maladie, donc qui sont sous médicaments. Je vois tout de suite qu’il y
a un problème qui n’avait pas été détecté à l’ANPE. Hein… Donc quand même on a
une perception de l’individu dans sa dynamique personnelle qui apporte un plus
dans l’investigation » (entretien n°19, femme, psychologue du travail à l’AFPA)
Un constat voisin pourrait être fait en analysant le travail d’autres professions, dont
le corpus de connaissances s’éloigne lui aussi du modèle de la rigueur physicomathématique
: les avocats par exemple introduisent des éléments de rationalisation et de
prévisibilité dans leur travail à travers des méthodes éprouvées de collecte des faits, une
connaissance fine des textes de jurisprudence etc. (Halliday, 1987). Les architectes s’appuient
professionnelle). La formation de ces personnels a été de plus en plus tirée du côté de la psychologie clinique à
partir des années 1980-1990, du fait de l’entrée d’un nombre croissant de diplômés universitaires de psychologie
dans la profession. Voir sur ce point le graphique III-1 (annexe 3) qui présente l’évolution du nombre de
diplômés en psychologie parmi les conseillers d’orientation-psychologues.
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