Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
professions ? Conformément à l’approche écologique, Abbott distingue des facteurs externes
et des facteurs internes à l’environnement. Parmi les facteurs externes, il insiste plus
particulièrement sur trois éléments : les facteurs technologiques, les facteurs organisationnels
et les facteurs scientifiques.
La création des chemins de fer par exemple (facteur technologique) a entraîné
l’apparition d’une myriade de professions, qui sont venues se greffer sur cette innovation
technologique initiale : chefs de gares, conducteurs, mécaniciens, régulateurs de trafic,
guichetiers…. L’apparition d’un nouveau type d’organisation s’accompagne lui aussi
fréquemment de nouvelles professions. Ainsi, comme l’a bien montré Di Maggio (1991
[1983]) dans ses travaux sur la naissance des musées américains, le modèle organisationnel de
« musée public » qui se diffuse au cours des années 1920 aux Etats-Unis a donné naissance à
une nouvelle profession, celle de conservateur de musée. Cette fonction, initialement apparue
de façon indépendante dans différents musées s’est ensuite unifiée par le regroupement
progressif de toutes les personnes exerçant des fonctions similaires dans des organisations
elles aussi devenues de plus en plus similaires 74 . Les professions du travail social ou de la
psychiatrie ont suivi un schéma d’évolution assez proche de celui qui vient d’être décrit. La
dernière catégorie de facteurs – ceux liés aux changements de paradigmes scientifiques – nous
intéresse plus particulièrement puisque ceux-ci sont au cœur des transformations de la
profession de psychologue du travail. Il n’est pas anodin de relever que Abbott (op. cit., pp.
177-184) situe ces changements scientifiques parmi les facteurs « externes » du système des
professions : pour lui, l’espace social de la science est relativement autonome des autres
dimensions de la société. Il se distingue en cela des néo-marxistes et des néo-wébériens, qui
ont une vision beaucoup plus « endogène » des savoirs professionnels (cf supra). En
revanche, ce postulat d’autonomie du champ scientifique n’est pas sans rappeler les
contributions de certains fonctionnalistes dans le domaine de la sociologie des sciences
(Merton, 1973 ; Ben David, 1997). Abbott distingue deux formes de changements
scientifiques susceptibles d’affecter les professions : le premier réside dans l’accroissement
du volume de connaissances et le second dans le remplacement de anciennes connaissances
par des nouvelles. L’accroissement conduit en général à une subdivision au sein des
professions. Le cas de la médecine est particulièrement caractéristique d’une telle situation
puisque les découvertes médicales conduisent souvent à l’apparition de nouvelles spécialités.
(spécialité de la psychiatrie) et celle de codeur informatique. En règle générale, les facteurs technologiques et
scientifiques jouent pour Abbott un rôle essentiel dans les mouvements de déprofessionnalisation.
74 Ce phénomène est qualifié par DI MAGGIO et POWELL (1983) d’ « isomorphisme organisationnel ».
89