Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

essayé de la rendre aussi objective que possible » (Lahy, 1927, p.198). Tout tend donc à faire
du laboratoire psychotechnique un espace clos, à l’abri des pressions du monde extérieur.
Comme le souligne un élève de Lahy :
« Conformément aux règles de la méthode expérimentale, il faut veiller à ce que,
pendant l’exécution d’un test, le sujet soit soustrait à toute autre excitation
psychique que celle de l’épreuve. Il sera pour cela placé dans un local approprié,
isolé de tout bruit, soumis à un éclairage optimum toujours identique à lui-même, à
ventilation réglée et à température constante. Les opérateurs doivent observer des
attitudes et des intonations toujours bienveillantes et immuables, et, dans de
nombreux cas, sont avantageusement remplacés par des machines parlantes et par le
cinématographe » (Husson, 1935, p. 600)
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
La neutralité scientifique se lit dans les moindres détails : les blouses blanches que
porte l’ensemble du personnel des laboratoire, le strict cloisonnement entre le service
psychotechnique et les autres services de l’entreprise (notamment service du personnel et
service médical) afin d’éviter toute transmission d’information ou toute forme de pression, les
impressionnants appareils de mesure des aptitudes, qui portent des noms incompréhensibles
au profane (dynamographe, tachodomètre, chronoscope d’Arsonval…). La métrique est la
meilleure garantie de cette neutralité, puisqu’elle traduit les questions profanes dans le
langage sacré de la science. Dans un rapport destiné à défendre auprès des salariés de la
RATP l’action du service psychotechnique, André Ombredane écrit en 1946 que l’évaluation
psychotechnique doit être faite au moyen de « procédés qui éliminent l’appréciation
subjective, qui introduisent la mesure, condition indispensable de toute connaissance
scientifique » 102 . La personnalité et la subjectivité du psychotechnicien n’ont donc pas de
place dans cet univers où tout est fait pour maintenir à distance l’évaluateur et la personne
évaluée.
Pour ces raisons, il y a dans les laboratoires une division du travail très rigoureuse
entre les « opérateurs-psychotechniciens », chargés de faire passer les tests aux candidats, et
les psychotechniciens, qui élaborent et interprètent les tests. Lahy avait pour habitude de
recruter les opérateurs-psychotechniciens parmi le personnel des entreprises qui le
sollicitaient. Ces opérateurs n’avaient en effet pas besoin d’avoir suivi de formation
particulière en psychologie. Ils devaient en revanche se conformer le plus rigoureusement
possible aux instructions du psychotechnicien, en apprenant par cœur les consignes à adresser
aux candidats lors de la passation des tests :
101 Souligné par Lahy.
102 Arch. RATP, Ombredane (André), « La psychotechnique au Chemin de fer métropolitain de Paris », Caisse
de prévoyance, 1946.
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