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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

dire ce qui constitue le cœur, le noyau central de l’activité professionnelle. Ce point de vue<br />

introduit, plus explicitement que ne le fait Strauss, le rôle <strong>des</strong> divergences théoriques comme<br />

ligne de clivage au sein <strong>des</strong> professions, permettant de relier plus étroitement sociologie <strong>des</strong><br />

sciences et sociologie <strong>des</strong> professions. Ainsi, peuvent entrer dans le champ professionnel <strong>des</strong><br />

capitaux extérieurs, provenant notamment du champ scientifique : comme nous le verrons, la<br />

professionnalisation d’un certain type de psychologie appliquée, aux bases essentiellement<br />

expérimentales, dans l’entre-deux guerres en France tient pour partie à l’action déterminante<br />

de gran<strong>des</strong> figures du monde scientifique comme Henri Piéron ou Henri Laugier.<br />

Inversement, l’influence croissante de Daniel Lagache puis de Didier Anzieu après 1950<br />

donnera une tonalité nettement plus clinique à l’ensemble de la profession. Une telle situation<br />

n’est possible que parce qu’existe une circulation de capitaux entre le monde scientifique et le<br />

monde professionnel. L’influence du noyau constitué autour <strong>des</strong> personnes de Henri Piéron<br />

ou de Laugier entre 1930 et 1950 s’explique par leur position de passeurs, d’intermédiaires<br />

entre le monde scientifique, le monde industriel et l’opinion publique. C’est donc<br />

l’accumulation de capitaux dans chacun de ces « champs » qui explique la naissance d’un<br />

modèle professionnel au cours de la période. Les influences pourtant ne sont pas à sens<br />

unique, comme le suggère notre schéma (figure 1 supra) : si la science institutionnalisée<br />

exerce une influence sur la profession, elle n’est pas non plus à l’abri <strong>des</strong> contingences<br />

sociales 59 . Elle subit les influences combinées de la profession et de la « demande sociale » 60 .<br />

Le passage à la fin <strong>des</strong> années 1960 de la figure du « psychotechnicien » à celle du<br />

« psychologue du travail », au domaine de compétence plus large, est tout à la fois le résultat<br />

de transformations de la demande sociale (demande d’expertise en matière de formation<br />

professionnelle et d’insertion notamment) et du souhait <strong>des</strong> psychotechniciens de ne plus se<br />

cantonner à <strong>des</strong> missions jugées trop étroites. En retour, ces évolutions alimenteront de<br />

nouveaux domaines de recherche pour une science alors « en crise », prise en étau entre<br />

59 « L’univers "pur" de la science la plus "pure" est un champ social comme un autre, avec ses rapports de force<br />

et ses monopoles, ses luttes et ses stratégies, ses intérêts et ses profits » (BOURDIEU 1976, p. 89)<br />

60 Une telle conception va bien entendu à l’encontre du point de vue défendu par PIERON dans le Traité de<br />

psychologie appliquée (1959, Vol. VII, p. 1395), où sont distinguées une « science pure » et une « science<br />

appliquée », la première dédiée à « l’élargissement de nos connaissances », « la découverte, par exploration, de<br />

ce qui reste encore inconnu », alors que les efforts de la seconde porteraient sur « l’utilisation <strong>des</strong> connaissances<br />

nouvelles et l’élaboration <strong>des</strong> techniques grâce auxquelles l’humanité peut pleinement profiter <strong>des</strong> progrès de la<br />

science ». Une telle division du travail, qui donne la part belle à une science pure et désintéressée, est tout entière<br />

contredite par l’histoire de la psychologie du travail, comme l’avait relevé LAHY dès 1932 (p. 276) : « Les<br />

applications de la psychotechnique se confondent avec l’expérimentation. Cela n’a rien de spécial. La genèse et<br />

l’évolution <strong>des</strong> sciences sont assez connues pour que nous n’entreprenions pas de démontrer que ce sont les<br />

préoccupations pratiques qui se trouvent à l’origine <strong>des</strong> sciences ». Voir encore le point de vue exprimé par<br />

REUCHLIN (1971, p. 28) : « la psychologie appliquée tout entière a été orientée en partie, dans son<br />

développement, par certains facteurs sociaux »<br />

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