Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

« Dès 1944, le directeur du personnel des usines Ford songeait à adjoindre à son
service Administratif du Personnel une section Mécanographie et à son service
"questions sociales" une section Psychologie, celle-ci devant permettre d’améliorer
le recrutement du personnel tout en favorisant les promotions. Après s’être
documenté sur les possibilités de la psychologie industrielle, il décida d’envoyer à la
CEGOS, à un stage de psychologie industrielle de trois semaines réservé à des
cadres, son chef de service "questions sociales". C’est au cours de ce stage – auquel
nous participions nous même – que ce chef de service nous proposa d’entrer chez
Ford. Pendant les premiers 6 mois, le service est directement rattaché et occupe les
locaux du Service "questions sociales". Au cours des 6 premiers mois, les examens
furent effectués dans les locaux et avec le matériel de la CEGOS (…) C’est par ce
dernier organisme – qui nous avait déjà fait profiter de nombreux stages – que nous
obtiendrons les épreuves de Rorschach et la série des 30 photos du Thematic
Aperception Test (TAT), introuvables en France. De même, le prêt d’un cahier
Matrix Penrose-Raven et l’autorisation de le faire reproduire à l’usine par tirage
ozalide nous permettra d’utiliser ce cahier d’intelligence générale à une époque où il
est encore fort peu connu. De nombreuses épreuves et la possibilité de les reproduire
nous sont offertes par la CEGOS qui aide d’une façon très manifeste au démarrage
du service et nous conseille, lorsque nous sollicitons un avis » (Fanchon, 1963, p.
18).
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Alors que la CORT et le CPA restent tournés vers les questions de psychométrie et
de sélection professionnelle tout au long des années 1950, la CEGOS se tourne rapidement
vers la psychosociologie et développe de nouvelles méthodes importées des Etats-Unis
comme le TWI (Training Within Industry), les méthodes de "dynamique de groupe" ou la
sociométrie de Moreno, grâce à l’un de ses membres : Max Pagès. Celui-ci s’inspire des
méthodes employées au même moment à EDF-GDF dans le cadre de la « mission
psychologique » dirigée par Guy Palmade, Jean Dubost et Pierre Goguelin. Il y a là un
ensemble de méthodes plus ou moins inspirées de la psychanalyse, très éloignées de l’esprit
initial de la psychotechnique française et qui sont regardées avec la plus grande
circonspection par les derniers représentants de la "vieille garde" : Henri Piéron et Suzanne
Pacaud. Ainsi, dans un débat qui l’oppose à Pierre Goguelin, Pacaud (1954b, p. 693) dresse
un tableau pessimiste de la psychotechnique française au début des années 1950 :
« La psychologie appliquée paraît changer de tâche. On ne lui demande plus
d’émettre un pronostic seulement. On lui demande d’agir. L’"adaptation de l’homme
à son métier" est devenue moins urgente que l’apaisement, à l’intérieur de
l’entreprise, des conflits intra et inter-humains et des conflits de groupes (…) de là
l’information avant et après l’embauche, le « Counseling » à la disposition de tous
les membres de l’entreprise, la formation sociale des cadres par le « role playing »
afin que les chefs apprennent à gouverner sans heurts des hommes ! (…) que ces
techniques séduisent par leur facilité et leur caractère spectaculaire les milieux non
spécialisés des entreprises, ce n’est pas étonnant. Mais il y a de notre faute, aux
aînés, si cet engouement éloigne de la méthode expérimentale les jeunes
psychotechniciens »
On trouve, à part égale avec celui du conseil, de nombreux débouchés dans le secteur
industriel : celui-ci rassemble 27% des membres de l’APPD, dont une majorité (les deux tiers
environ) exercent dans les entreprises publiques : ces entreprises ont soit mis en place un
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