Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
la possibilité de consulter, dans l’entreprise même, des psychologues qui pourraient les aider à
mieux réaliser l’équilibre de leur personnalité ». Ce type de pratiques montre bien l’écart entre
le « modèle scientifique » qui anime encore la psychotechnique en France au début des années
1950 et le modèle « consultant » qui se développe aux Etats-Unis : en France, le
psychotechnicien est perçu comme l’applicateur d’une technique préconstituée, formulant un
diagnostic peu discutable, alors qu’aux Etats-Unis, elle s’inscrit dans une relation d’aide et de
conseil. Le champ qui est, aux yeux des auteurs, le plus novateur est celui du « Human
Engineering » 30 (adaptation des machines à l’homme) : pour Fraisse, « ces méthodes sont
sans doute appelées à prendre une place de plus en plus grande dans la psychologie
industrielle des années à venir. Elles ne sont malheureusement pas utilisées en France où la
solution de ces problèmes est laissée à l’empirisme ». Ces voies nouvelles n’ont pas échappé
au précurseur de l’ergonomie française, Jean-Marie Faverge, qui faisait lui aussi partie de la
première mission ; il en rend compte dans un article de la Revue de psychologie appliquée
(1953, p. 74). Evoquant le Human Engineering, il écrit : « on peut penser qu’il est possible de
développer la psychologie appliquée dans ce sens d’une façon originale et en s’écartant des
sentiers battus, voire des impasses. Les psychologues qui s’occupent de ces recherches ont
chaque fois insisté sur la rentabilité de ces méthodes et nous n’avons pas eu de peine à les
croire ». A partir de cette date, Faverge s’attache à développer un pôle de recherche en
psychologie ergonomique au CERP, grâce au soutien du directeur des services de sélection,
Frédéric Simon. La majorité de ces recherches, cependant, ne seront pas réalisées pour le
compte du Ministère du Travail ou de l’ANIFRMO, mais d’entreprises privées ou publiques,
ou d’organisations internationales : étude sur l’« adaptation de la machine à l’homme »
(Human Engineering) pour le commissariat général à la productivité (1955), études de
« psychologie ergonomique » pour la CECA, l’OECE (1955) et le centre de contrôle de la
navigation aérienne d’Orly (1961) etc. Les thèmes abordés dans les pages du Bulletin du
CERP à partir de 1955 montrent un déclin très net de la psychotechnique et la montée en
puissance de la psychologie ergonomique.
Les différentes observations rapportées par les membres de la première mission font
clairement apparaître les ambiguïtés de la « psychologie d’entreprise » qui se développe
outre-Atlantique. Dans la conception traditionnelle de la psychotechnique française
30 Cette branche de la psychologie appliquée, qui s’occupe de l’adaptation des machines à l’homme, se
rapproche de l’ « ergonomie » française. Elle est aussi parfois désignée en langue anglaise sous le terme
« Applied experimental psychology ». Le terme « ergonomics – qui a été repris en français au début des années
1960 – a été créé en Grande-Bretagne au début des années 1940.
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