27.12.2013 Views

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

) Deux figures du travail : de la peine au plaisir<br />

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

C’est au prisme de cette construction politique que les évolutions de la psychologie<br />

du travail prennent tout leur sens. Le partage entre l’économique et le social soutenait une<br />

conception dévalorisée de l’économique et du monde productif. Le travail était vu comme le<br />

lieu de la peine, du devoir et de l’aliénation individuelle. Celui aussi où la rationalisation<br />

pouvait être poussée à son terme. Le social, à l’opposé était celui du loisir et de la<br />

réhabilitation du travailleur par la conquête de droits sociaux. Une sorte de dialectique s’était<br />

ainsi instaurée entre ces deux domaines de la société salariale, comme si les avancées d’un<br />

côté ne pouvaient être conquises qu’au détriment de l’autre. Cette séparation entre<br />

l’"économique", lieu de l’aliénation et le "social", lieu du loisir, se manifeste également dans<br />

la division du travail qui se met en place au sein de la sociologie française de l’après guerre<br />

entre sociologues du travail (Friedmann, Naville, Touraine, Reynaud…) et sociologues <strong>des</strong><br />

loisirs et de la consommation (Dumazedier, Chombart de Lauwe, Baudrillard) 5 . De façon<br />

significative, sur les vingt-cinq chapitres du Traité de sociologie du travail, seuls deux traitent<br />

du hors-travail (Dumazedier, 1962 ; Chombart de Lauwe, 1962). Certains, comme Friedmann,<br />

se sont essayés à franchir cette frontière, mais le loisir était alors vu comme une « réparation »<br />

visant à compenser les effets néfastes de rapports de production essentiellement aliénants<br />

(Vatin, 2004), ce qui souligne bien qu’il n’y a pas chez lui de réconciliation possible entre<br />

l’économique et le social. La jonction entre les deux domaines ne se fera véritablement qu’à<br />

partir <strong>des</strong> années 1960, par le biais de la sociologie de la jeunesse ouvrière (de Maupeou,<br />

1968 ; Haicault et al., 1968) puis ultérieurement de la sociologie <strong>des</strong> rapports sociaux de sexe<br />

et du chômage (Haicault, 1984 ; Schnapper, 1981) qui introduiront <strong>des</strong> ponts entre une<br />

sociologie du travail taditionnellement centrée sur le travailleur masculin de la grande<br />

industrie et une sociologie <strong>des</strong> loisirs et de la culture ouverte sur d’autres groupes sociaux.<br />

Cette dichotomie suscita de multiples tentatives de réconciliation entre l’économique<br />

et le social au cours du XX e siècle, qui prirent une forme particulièrement accusée dans l’entre<br />

deux guerres. La première réside dans les efforts de réhabilitation du corporatisme,<br />

susceptible de faire converger les intérêts économiques égoïstes et un certain épanouissement<br />

au travail. La divorce entre l’économique et le social trouve alors sa résolution dans la<br />

communauté de travail, à la fois lieu de production de richesses et espace de sociabilité. La<br />

5 Certains, comme Friedmann, se sont essayés à franchir cette frontière, mais le loisir était alors vu comme une<br />

réparation visant à compenser les effets néfastes de rapports de production essentiellement aliénants. Cela<br />

souligne bien qu’il n’y a pas chez lui de réconciliation possible entre l’économique et le social. Sur ce point, voir<br />

VATIN, 2004.<br />

449

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!