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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

l’écart ce qui dans l’organisation du travail favorise le déclenchement <strong>des</strong> situations de stress<br />

et de violence, au risque que l’entreprise s’exonère d’une réflexion sur ce thème » 43 . Les<br />

syndicats se montrent eux aussi méfiants vis-à-vis de ce mode de prise en charge<br />

psychologique <strong>des</strong> dysfonctionnements organisationnels : comme le remarque un responsable<br />

CGT « en proposant aux gens d’apprendre à gérer leur stress, en fait pour les aider à supporter<br />

leurs conditions de travail, on les culpabilise, car on fait retomber sur eux leur incapacité à<br />

faire face. Et on focalise sur l’extérieur en leur conseillant par exemple de faire du sport »<br />

(Fabien Gache, délégué central adjoint CGT de Renault) 44 .<br />

La question de l’indépendance <strong>des</strong> psychologues vis-à-vis <strong>des</strong> pressions de<br />

l’organisation se pose de façon particulièrement aiguë. Sont-ils au service de l’"humain" et de<br />

la santé au travail, ou au service de l’entreprise ? Sous couvert de préoccupations humanistes<br />

– et certainement en toute bonne foi – les psychologues participent, à deux niveaux, au<br />

maintien <strong>des</strong> formes organisationnelles existantes. En premier lieu, comme nous venons de le<br />

souligner, ils se montrent peu enclins à interroger les conditions de travail ou le<br />

fonctionnement de l’organisation dans son ensemble, alors que <strong>des</strong> travaux d’économistes ou<br />

de sociologues (Baudelot et Gollac, 2003) constatent preque unanimement que les nouvelles<br />

formes d’organisation et de mobilisation au travail sont productrices de fatigue et de stress. Le<br />

registre dans lequel s’inscrit aujourd’hui la question de la fatigue au travail semble écarter<br />

systématiquement ces points de vue, et apparaît nettement en retrait par rapport au courant<br />

d’analyse <strong>des</strong> conditions de travail <strong>des</strong> années 1970, qui, à travers la création <strong>des</strong> CHSCT,<br />

s’efforçait au contraire d’inscrire l’amélioration de ces dernières dans un registre collectif de<br />

négociation entre patronat et syndicats. En mettant exclusivement l’accent sur les<br />

déterminants individuels et psychiques du stress au travail, les psychologues contribuent à une<br />

sorte d’"anesthésie sociale" peu propice à la remise en cause <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de fonctionnement<br />

existants.<br />

L’allégeance <strong>des</strong> psychologues aux objectifs de l’entreprise transparaît de manière<br />

plus insidieuse, dans la contribution qu’ils apportent à la diffusion d’une nouvelle "éthique"<br />

du travail. Ceci apparaît par exemple dans le cas de l’IAPR, où les psychologues diffusent un<br />

discours modernisateur sur les conducteurs de bus, liant l’épanouissement au travail au<br />

développement de nouvelles compétences 45 : le conducteur doit avoir un sens psychologique<br />

43 Mahiou (Isabelle), Santé et travail, juillet 2003, numéro spécial « Quand le travail perd la tête »<br />

44 Santé au travail, juillet 2003, op. cit.<br />

45 La question de la valorisation sociale de ces nouvelles compétences n’est pas posée puisque précisément c’est<br />

avant tout pour son propre bien-être psychique (et non pour la qualité du service rendu au client) que le<br />

conducteur est amené à les développer.<br />

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