Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Malgré cette nouvelle demande sociale d’accompagnement individualisé sur le marché
du travail, à laquelle semblent répondre les compétences des psychologues, notre enquête ne
permet pas de mettre en évidence un quelconque monopole des psychologues du travail dans
ce domaine. Les raisons de cet échec relatif nous paraissent être au nombre de trois. La
première est d’ordre cognitif. La spécialité que l’on désigne aujourd’hui sous le terme de
« psychologie de l’orientation » se présente comme un ensemble hétéroclite de pratiques plus
ou moins articulées à des théories psychologiques générales, mais qui ne suffisent pas à
asseoir la légitimité des psychologues. D’une part ces savoirs sont fragiles – en témoigne leur
rythme rapide de renouvellement et la prolifération de théories concurrentes –, et, d’autre part,
ils se diffusent facilement auprès des autres spécialistes de l’évaluation 6 . La seconde raison
tient à l’absence de soutien de la part des autres segments de la psychologie, qui se sentent
très éloignés de ce secteur d’activité 7 et ciblent davantage leurs revendications vers les
champs de l’école ou de la santé. La psychologie du travail apparaît aujourd’hui comme une
spécialité marginale et relativement dévalorisée au sein de la psychologie. La dernière raison
tient enfin aux modalités d’action publique en direction du marché du travail. L’analyse des
résultats de notre questionnaire a bien montré à quel point la territorialisation des politiques
d’emploi et de formation a éclaté les psychologues du travail dans les différents segments du
champ de l’insertion et de l’aide à l’emploi : CIBC, PAIO, Missions locales, GRETA,
associations d’insertion, ANPE, AFPA… Face à la complexité du problème du chômage,
l’expertise d’un seul groupe professionnel ne suffit plus. Les politiques d’insertion et
d’emploi font de plus en plus appel à des compétences et à des acteurs hétérogènes, qui allient
des savoirs issus de différentes sciences humaines, mais aussi les savoirs pratiques des
professionnels ayant une connaissance fine du terrain ou des spécificités d’un territoire. Cet
ensemble d’éléments explique que malgré l’existence d’un « mandat », peu d’organismes
soient aujourd’hui disposés à accorder aux psychologues du travail une licence exclusive dans
le traitement de ces problèmes.
Il y a peut-être là malgré tout un germe de reprofessionnalisation des psychologues du
travail. En dépit de statuts, leur compétence est de plus en plus reconnue dans les politique
territoriales d’emploi et de formation. La déstructuration des corps établis laisse précisément
la place à l’éclosion d’expertises assises sur des disciplines et un professionnalisme de
6 L’ANPE et l’APEC par exemple, tout en ne reconnaissant pas de statut propre aux psychologues, multiplient
les formations en psychologie auprès de leur personnel.
7 Rappelons que les psychologues du travail représentent environ 16% de l’ensemble des psychologues, contre
50% pour les psychologues cliniciens.
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