Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

personnes alors qu’aujourd’hui, ils subissent de plus en plus la pression institutionnelle et ne
peuvent assurer leur mission d’orientation en pleine indépendance :
« Alors la liberté, l’auto-détermination des personnes, enfin toutes ces grandes idées
qu’on avait dans les années 1980 sont en train de passer à la trappe. On avait
beaucoup réfléchi sur l’orientation de la personne, le libre choix, enfin… Comment
peut-on s’orienter sans libre choix ? etc… Ce sont des questions importantes.
Aujourd’hui c’est différent : il y a une commande de l’ANPE, on n’étudie pas
forcément le besoin des gens et on les envoie vers des soi-disant "cible-emploi"… Et
nous on les voit… Il y a des gens qui arrivent et qui nous disent « moi je ne sais pas
ce que je fais là. Je n’ai rien demandé à personne… ». Je veux dire que
l’économique ne justifie pas forcément tout. Mais ce qui est terrible si vous voulez
c’est qu’on veut faire croire que c’est pas pour des raisons économiques. On veut
faire croire que c’est au nom de la technique et de l’élaboration… Vous voyez…
Alors on veut caser les personnes, notamment les psychos en termes de « services »,
dans une espèce de grande comptabilité analytique comme si on pouvait compter les
personnes comme on compte des chaussures ou des morceaux de pain… C’est pas
pareil quoi ! » (entretien n°17, femme, psychologue à l’AFPA).
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
La mise en place du PARE et du PAP place les psychologues dans une situation
particulièrement difficile dans la mesure où leur décision peut avoir des effets directement
nuisibles pour les personnes rencontrées, comme le souligne cette psychologue de l’AFPA :
« Le problème c’est qu’à chaque fois on renvoie la personne a sa responsabilité,
alors qu’en fait on la manipule…. L’escroquerie la plus totale étant celle du PARE.
C’est-à-dire que vous êtes totalement libre de ne pas signer le PARE, qui est un
contrat dans lequel vous vous engagez librement, mais le seul point de détail, c’est
que si vous signez pas le PARE, vous touchez pas les ASSEDIC, et que les gens que
je reçois… Je leur demande : « Alors, vous avez signé le PARE »… Et eux il me
répondent « Ah bon, je ne savais pas». Donc l’idéologie qu’il y a derrière tout ça
c’est qu’on est en présence de deux personnes libres, consentantes, qui sont sur un
même niveau etc. Puisque la preuve, d’ailleurs, c’est qu’on a contractualisé. Donc
on est tout à fait dans l’idéologie libérale, on est dans un contrat de gré à gré, il faut
pas d’organisation etc… Et je pense qu’actuellement on est vraiment là-dedans, et
que par rapport aux personnes qu’on reçoit, on est constamment dans un double
langage. Cad qu’on est dans un langage d’autonomie, de solutions etc., alors que très
régulièrement on est confrontés à des problèmes de financement qui sont énormes,
mais qui ne sont jamais abordés en tant que tels… » (entretien n°32, femme,
psychologue à l’AFPA)
Cet extrait d’entretien montre bien le « double bind » dans lequel se trouvent pris en
permanence les psychologues de l’AFPA, appelés d’un côté à répondre aux demandes de
résultats de l’organisation en termes de résultats de placement des personnes, ce qui suppose
d’envisager des solutions réalistes, permettant une insertion rapide (et donc des formations de
courte durée), et appelés d’un autre côté à favoriser l’épanouissement de la personne, à lui
faire prendre conscience de ses envies, de ses aspirations profondes, et à l’aider à envisager
des choix qui peuvent lui sembler au départ irréalistes.
La question centrale est finalement celle de la rupture ou de la continuité des
trajectoires professionnelles que favorisent ou non les psychologues. Ils peuvent conduire les
individus soit à envisager une rupture radicale vis-à-vis de leur parcours antérieur (une
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