Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

elles constituent l’un des rares domaines où le psychologue peut se prévaloir d’une véritable
technicité :
« Moi je crois qu’il faut pas rester plus de 4 ans ici. Et je dirais même qu’en
général… Faire du recrutement pur et dur… A mon avis c’est deux ans maximum.
Parce qu’après, on ne voit plus clair. Et… Faire des entretiens, c’est faire du travail à
la chaîne. Et effectivement un psychologue qui fait du recrutement pur sur deux ou
trois métiers différents, c’est deux ans maximum. Moi j’envisage de changer très
bientôt et de m’orienter plutôt vers des fonctions RH plus opérationnelles dans
l’entreprise » (entretien n°38, homme, chargé de recrutement).
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
L’examen du rapport aux outils psychologiques illustre donc bien le phénomène de
"dérive professionnelle" à l’œuvre dans la profession, phénomène marqué par un éloignement
progressif du cœur du métier au fur et à mesure que le statut social s’élève. Les personnes qui
relèvent de la pratique la plus "pure" de la psychologie du travail (services de recrutement des
grandes entreprises, conseil en formation, conseil en insertion) occupent des positions
dominées. A l’inverse, les psychologues qui acceptent les compromis méthodologiques (les
"éclectiques") ou qui ont perdu tout lien avec la psychologie ("transfuges") accèdent à des
situations plus favorables. Un tel constat révèle bien toute l’ambiguïté de la position des
psychologues du travail, qui vivent souvent leurs choix professionnels en termes de dilemme.
Soit ils préservent leur identité professionnelle de psychologue, mais restent confinés dans des
positions aux statuts peu valorisés ; soit ils se dirigent vers des positions plus lucratives, au
risque de voir leur savoir dévoyé ou mal utilisé et d’être asservis aux « puissances du
capital ».
2. L’identification à la discipline : un processus complexe
Nous avons évoqué dans le point précédent les rapports entre les emplois occupés et
la mise en œuvre d’outils ou de méthodologies proprement psychologiques. Cette dimension
est toutefois insuffisante pour comprendre dans toute leur complexité les processus
d’identification à une discipline. On peut en effet se considérer ou se définir soi-même
comme "psychologue" sans pour autant occuper un emploi estampillé comme tel, ni mettre en
œuvre dans son travail quotidien des méthodes psychologiques au sens étroit du terme. Il faut
donc s’attacher à cerner de quelle manière les personnes se rattachent à l’identité de
psychologue, même lorsque leur carrière les en a a priori éloignés. Cet exercice est d’autant
plus nécessaire que, compte tenu de la durée du contact avec la psychologie des personnes de
notre échantillon (du DEUG au DESS pour la plupart), il est peu probable que le passage par
cette discipline n’ait laissé chez elles aucune trace. Afin de mieux comprendre ces processus
d’identification à la formation initiale, il paraît utile de faire ici appel à la distinction
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