Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
participe activement pour cela à la mise en place de centres de formation professionnelle de
l’ANIFRMO dans les entreprises entre 1945 et 1947. Le consensus qui réunit syndicats,
patronat et pouvoirs publics autour de la productivité, au moins jusqu’en 1950, accorde une
place de premier plan à la psychotechnique, qui peut servir à la reconstruction du pays et à
l’amélioration de la qualification des travailleurs.
Malgré l’image globalement favorable dont bénéficie la psychotechnique parmi les
syndicats, deux réserves sont généralement émises par ces derniers. D’une part la
psychotechnique ne saurait être laissée entre les mains du seul patronat, mais doit faire l’objet
d’un contrôle permanent par les organisations de salariés 50 . Le secrétaire général de la CGT-
FO, Bruno Ventejol, estime par exemple « qu’il faut de toute nécessité une liaison étroite
entre le médecin du travail, le psychotechnicien et l’organisation syndicale. Celle-ci doit être à
même pratiquement et d’une manière permanente de contrôler les tests et l’application de la
psychotechnique » 51 . Dans le même esprit, Jean Serdais, du Centre d’études économiques de
la CGT, écrit en 1950 que « la psychotechnique a fait ses preuves, en particulier dans le sens
de sélection et d’orientation professionnelle, quoique, là aussi, sous réserve de l’usage qui est
fait des résultats obtenus par le psychotechnicien digne de ce nom. Donc et lors même qu’il
s’agit de méthodes et de psychotechniciens sérieux, l’applications des résultats, pour donner
toute garantie désirable aux travailleurs de l’entreprise considérée, ne devra se faire que sous
le contrôle et avec l’avis des travailleurs, du Comité d’entreprise » 52 . La seconde réserve
concerne les méthodes utilisées par les psychotechniciens. Les tests d’aptitude
psychologiques ou psychophysiologiques sont en général accueillis favorablement par les
syndicats, pour peu qu’ils ne servent pas exclusivement à l’"écrémage" de la main d’œuvre
mais soient mis également au service de la promotion ouvrière en sélectionnant les ouvriers
les plus aptes à suivre une formation. La psychosociologie et les méthodes de "relations
humaines" sont en revanche accueillies avec une grande hostilité, les organisations ouvrières
y voyant des tentatives du patronat pour asseoir un contrôle politique sur les salariés. Le débat
autour de ces techniques importées des Etats-Unis après la seconde guerre mondiale est lancé
en 1947 dans la « note sur la productivité du travail » rédigée par la CGT dans le cadre du
50 Naville, qui était lui-même un ancien conseiller d’orientation professionnelle formé à l’INOP pendant la
guerre, s’était livré à une critique virulente de la psychotechnique de Piéron et Bonnardel dans son ouvrage de
1945, Théorie de l’orientation professionnelle. Dans un texte ultérieur (Naville, 1957), il reprend son
argumentation en expliquant que les techniques psychotechniques ne peuvent pas être en soi ni bonnes ni
mauvaises puisqu’elles s’insèrent toujours dans un rapport de force social « réel » entre patrons et salariés. C’est
donc seulement par un contrôle paritaire de la psychotechnique que pourront s’apaiser les conflits nés de
l’emploi des méthodes psychotechniques dans l’industrie.
51 VENTEJOL, 1957, p. 16
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