Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

publications ou aux enseignements 70 , ces travailleuses de l’ombre ne pouvaient envisager de
véritables carrières académiques et restaient de ce fait plus proches du champ des applications
que de celui de la recherche. Ce sont d’ailleurs elles qui se verront confier, le plus souvent, la
direction des premiers laboratoires psychotechniques d’application. Ceux-ci apportaient en
retour la caution empirique aux recherches plus fondamentales de leurs maîtres, grâce aux
possibilités d’expérimentation quasi illimitées qu’ils offraient, sur des sujets dociles et captifs.
Ainsi, Suzanne Pacaud fut directrice du laboratoire des chemins du Nord de 1938 à 1954.
Dagmar Weinberg dirigea le laboratoire des chemins de fer de l’Etat, puis (à la demande de
Piéron) le laboratoire psychotechnique d’Air France, à partir de 1943 71 . Dans le domaine de la
psychologie de l’éducation, Hélène Gratiot-Alphandéry, fut l’assistante de Wallon au
laboratoire de biopsychologie de l’enfant, à Boulogne. Il y a donc une coupure entre ceux qui,
comme Piéron, Laugier ou Wallon obtiennent un poste au Collège de France, au CNAM ou à
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la Sorbonne et ceux (celles) dont la carrière est entièrement tributaire du bon vouloir de leurs
maîtres.
Tableau 5 – La place des femmes dans l’institutionnalisation de la psychologie : assistantes et
collaboratrices de laboratoires dans l’entre-deux guerres
Weinberg
(Dagmar)
Pacaud
(Suzanne)
Lézine
(Irène)
Nationalité
Année de
Naissance
Polonaise 1897 Laugier puis
Piéron
« Patron » Diplômée de
l’Institut de
psychologie en :
Position dans
les années 1930
1922 Laboratoire de
physiologie du
travail (CNAM)
Polonaise 1902 Lahy puis Piéron 1929 Laboratoire de
psychologie
appliquée
(EPHE)
Russe 1909 Wallon 1928 Laboratoire de
biopsychologie
de l’enfant
préalable des métiers par l’une ou l’autre de leurs assistantes. A titre d’exemple voir l’échange de lettres entre
Lahy et le directeur des usines Citroën en 1928 : « Les recherches seront faites, sous mon contrôle et ma
responsabilité, par l’une de mes assistantes qui consacrera tout son temps à l’usine pendant une période d’un
mois, au moins, ou de deux mois au plus. Mon assistante aura pour mission d’analyser tous les gestes
professionnels et de prendre elle-même une part directe au travail (…) ». Arch. Lahy, lettre de Lahy à M.
Fontana, Administrateur général des Usines Citoën, 15/12/1927. A un niveau subalterne, on constate une très
grande majorité de femmes dans les laboratoires de psychotechnique. En 1938, le laboratoire de physiologie du
travail de la SNCF (alors dirigé par Weinberg) comptait 30 femmes sur 33 assistants techniques, toutes affectées
à la passation et au dépouillement des tests.
70 Suzanne Pacaud-Korngold et Dagmar Weinberg publièrent de nombreux articles en collaboration avec Lahy et
Laugier, mais elles n’eurent pas de carrières universitaires, ou alors de façon très tardive (Pacaud obtint un poste
au CNRS après la guerre).
71 AN-CAC, Archives CNRS – 19800284 – art. 66 : « Air-France »
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