Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
mission jugée cruciale pour son avenir. Les conditions structurales favorisant l’existence d’un
tel mandat ont été réunies à deux reprises dans l’histoire des psychologues du travail.
Dans les années 1930-1960 tout d’abord, les transformations des emplois productifs et
la démocratisation du système scolaire ont fait de la notion psychologique d’aptitude – et
donc de l’expertise des psychologues – l’opérateur naturel entre les propriétés individuelles et
les besoins sociaux, exprimés dans la structure du marché du travail. On délègue alors aux
psychotechniciens le soin de détecter les individus les plus aptes afin de les diriger vers les
positions sociales où ils pourront le mieux tirer parti de leurs aptitudes. Au niveau de la
société dans son ensemble, ce sont les grandes tendances de l’économie et du marché du
travail – fixées dans les commissions paritaires du Plan 4 – qui circonscrivent les limites dans
lesquelles les psychologues pourront agir. L’autonomie du groupe est garantie par ce mandat
et se matérialise par la forte indépendance dont jouissent en principe les psychotechniciens ou
les conseillers d’orientation scolaires dans leurs activités. Ce début de professionnalisation de
la psychologie du travail sera toutefois remis en cause par une série de facteurs. En premier
lieu, les mouvements de contestation politique des années 1960 et 1970 déchaînent une
critique violente contre les psychotechniciens, de plus en plus soupçonnés de connivence avec
le patronat (critiques marxistes) ou avec l’Etat (critiques foucaldiennes). Ces critiques sont
pour le moins paradoxales, dans la mesure où la psychotechnique visait à l’origine un idéal de
justice sociale, notamment contre l’arbitraire patronal ou du système scolaire. En ce sens, le
mandat reçu ne prenait son sens que dans le cadre de l’Etat républicain, situation très
différente de celle qui avait cours dans le monde anglo-saxon, où la psychotechnique s’était
présentée d’emblée comme un savoir pratique susceptible d’accroître l’efficacité industrielle.
En second lieu, les transformations de l’environnement socio-économique (montée du
chômage, diversification des trajectoires individuelles, difficultés d’insertion pour les
jeunes…) ébranlent le monde stable des métiers, des qualifications et des aptitudes autour
duquel s’était construit le mandat des psychologues du travail. Les formes d’action publique
en direction du marché du travail apparaissent de plus en plus instables et hétérogènes : elles
supposent la participation conjointe de divers intervenants (travailleurs sociaux, employeurs,
spécialistes de l’évaluation…), et se situent aux carrefour de différentes politiques (assistance,
insertion sociale, placement, formation…). Comme on a pu le voir à travers l’exemple de
l’AFPA, les psychologues du travail éprouvent des difficultés à définir le périmètre de leur
intervention dans ce nouveau cadre. D’une part on constate une rationalisation et un contrôle
4 Cela sera vrai jusqu’au VI e Plan (1971-1975). Cette logique « adéquationniste » sera ensuite abandonnée à
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