Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

nécessaires à l’exercice des métiers et en désignant ensuite des tests mesurant ces
aptitudes ? C’est tout simplement deux sauts dans l’inconnu puisque d’une part on
ignore à peu près tout des aptitudes mentales et que d’autre part, a fortiori, on ignore
ce que mesurent ces tests ».
Sur le plan pratique, la méthode est longue et difficile à mettre en œuvre : il faut se livrer à
une étude détaillée de chaque métier afin de dégager les principales aptitudes psychiques
auxquelles il fait appel, mais où arrêter la liste ? L’idéal serait, comme le souligne Fontègne
(1921, p. 93), « d’obtenir pour chaque profession la liste aussi complète que possible des
caractéristiques psychiques qui font la supériorité professionnelle d’un individu ». Cette visée
exhaustive a donné lieu à une littérature abondante de « professiographies », que l’on trouve
dans les mémoires de fin d’études des élèves de l’INOP ou dans certaines revues spécialisées.
Les limites de cette tendance empiriste et le progrès des méthodes statistiques ont ouvert la
voie, au début des années 1920, à une autre méthode psychométrique : la tendance analytique.
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
2. La tendance analytique
La principale caractéristique de la tendance analytique 5 par rapport à la tendance
empiriste tient au fait qu’elle ne postule rien sur la nature réelle des aptitudes psychologiques
en jeu : celles-ci restent inaccessibles au psychologue et il lui est en général difficile de les
nommer. En revanche, le psychotechnicien peut observer des corrélations statistiques entre la
réussite à certaines épreuves psychologiques judicieusement choisies et des indicateurs de
réussite professionnelle, ce qui peut le guider dans le choix des tests. C’est ainsi que procède
Lahy dans ses recherches sur les conducteurs de tramways, mais aussi Piéron (lien entre
réussite aux tests et résultats scolaire) ou Laugier (conducteurs de trains). Lahy fait par
exemple passer à un échantillon-test de candidats une batterie d’épreuves psychométriques
dont il suppose qu’elles ont un lien avec la réussite professionnelle et observe ensuite la
corrélation entre les différentes épreuves et la réussite dans la profession, mesurée par les
notations professionnelles attribuées par les supérieurs hiérarchiques. On établit ainsi la
validité du test, c’est-à-dire sa pertinence par rapport à la sélection dans un emploi donné 6 , et
l’on choisit sur cette base les tests qui serviront à la sélection des candidats. Au lieu de
postuler d’emblée un lien entre deux séries d’aptitudes, la méthode procède par essai-erreur :
« L’analyse provisoire du travail nous permet de déterminer les aptitudes psychomotrices
qui semblent nécessaires aux bons machinistes [souligné par nous]. Nous
5 Nous qualifions cette tendance d’ "analytique" car elle opère pour chaque profession une décomposition
analytique des différentes aptitudes en jeu.
6 La validité d’un test est définie par HUSSON (1937) comme le « degré de liaison qui existe entre le rendement
du sujet dans l’épreuve et son rendement dans une autre activité (fonction mentale, travail professionnel etc.) que
l’épreuve est censée mesurer ou prévoir »
201