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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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esponsabilités nouvelles et d’une plus grande autonomie dans son travail 11 .<br />

L’accomplissement dans le travail et l’accomplissement dans la vie privée vont également de<br />

pair : point de salut en dehors de l’introspection salutaire que permet le bilan. Miller et Rose<br />

(1995, p. 455) notent une évolution en tout point similaire dans le discours qui se diffuse aux<br />

Etats-Unis au cours <strong>des</strong> années 1980 :<br />

« Le "soi-entrepreneur" (enterprising self) est devenu une nouvelle identité pour les<br />

travailleurs, une identité qui brouille, ou même élimine, la distinction entre le<br />

travailleur et le manager. (…) Alors que tout était fait, dans les programmes<br />

politiques de cette période, pour réduire l’intervention publique dans tous les<br />

domaines, les notions d’entreprise et de "soi-entrepreneur" ne se sont pas traduits par<br />

une abolition de l’intervention experte dans le domaine du travail, mais ont au<br />

contraire donné naissance à de nouvelles stratégies visant à promouvoir un meilleur<br />

gouvernement <strong>des</strong> lieux de travail. Les individus devaient être gouvernés comme<br />

s’ils cherchaient tous à conduire leurs vies comme une sorte d’entreprise du soi,<br />

[enterprize of the self] s’efforçant d’améliorer la "qualité de vie" pour eux-mêmes et<br />

leurs familles, à travers les choix qu’ils faisaient sur le marché de la vie »<br />

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

Le passage de la figure du salarié au "soi-entrepreneur" suppose une mobilité accrue<br />

du travailleur et la remise en cause permanente <strong>des</strong> certitu<strong>des</strong> et cristallisations statutaires<br />

issues du monde salarial, censées freiner la capacité d’initiative et de développement<br />

personnel du salarié. On peut ainsi lire dans la presse managériale que le bilan de compétence<br />

est une occasion inédite de « donner un second souffle à sa vie professionnelle » et de<br />

« recharger ses batteries pour envisager l’avenir » 12 . La période de chômage est parfois même<br />

présentée comme une occasion inespérée de faire le bilan <strong>des</strong> compétences accumulées au<br />

cours de sa carrière, afin de mieux "rebondir". Comme le remarque le sociologue Serge<br />

Ebersold (2004), commentant l’idéologie sous-jacente aux revues spécialisées dans l’aide à la<br />

recherche d’emploi : « les stages peuvent faire du licenciement un événement <strong>des</strong> plus<br />

profitables. Ils forcent à se prendre en main, à chercher à se réaliser et à progresser sur le plan<br />

personnel comme sur le plan individuel, et peuvent constituer de ce fait une salutaire ». La<br />

réussite d’un bilan suppose avant tout une implication personnelle forte du salarié et une<br />

remise en cause permanente de son identité, à l’image du travail psychothérapeutique qui<br />

arrache aussi l’individu à ses routines et aux formes de stabilisation psychiques mises en place<br />

au fil du temps, pour envisager sa vie sous un nouveau jour (voir encadré 1 : « Réussir son<br />

bilan de compétences »).<br />

Encadré 1 – « Réussir son bilan de compétences » d’après le site internet « Génération<br />

formation »<br />

11 Voir sur ce point LICHTENBERGER et PARADEISE (2001) et MENGER (2004)<br />

12 Site internet "Génération formation" : www.generation-formation.fr<br />

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